Tu m’es infiniment plus attaché

Le 10 Avril 1918

Mon tout petiot chéri,

Ce matin, j’ai reçu 2 mignonnes lettres de toi, dont une mise à la poste par Guérin. Cette dernière est d’hier, aussi tu penses petit Loul combien je suis heureuse d’avoir des nouvelles si fraiches ! Comme il m’est agréable de penser qu’hier mon tout petiot était en parfaite santé. Ce qui m’ennuie beaucoup, c’est de te savoir sans nouvelles. Mon pauvre chéri doit bien s’ennuyer ! et trouver le temps bien long.

J’espère que cette lettre va bien vite te parvenir, maintenant qu’elle porte un numéro de secteur exact. Toutes mes dernières lettres portaient le secteur 27, sauf celle d’hier qui avait le secteur 230. Aussi, elles vont bien certainement mettre beaucoup de temps à te parvenir. Peut-être même ne les recevras-tu pas. Enfin, je souhaite que celle-là aille te trouver à la vitesse d’un éclair. Et qu’elle te rassure bien vite sur mon sort. Qu’elle te dise aussi que ta gosse est toujours bien sage et quoique très inquiète sur son Loul, reste bien courageuse !

retour imprévu

Dire mon petit chéri qu’il y a 1 mois, tu étais près de moi, tu venais de me surprendre ! Comme cela est loin, ne trouves-tu pas ? et comme à ce moment là, nous étions loin de nous douter de ce qui allait arriver !!! Moi qui avais tant le cafard de te quitter, je l’aurais eu bien plus si j’avais su que j’allais rester sans doute un long moment sans te voir. Et moi qui espérait t’avoir le 14 en permission. Tout cela est bien loin à présent. Les permissions, on y pense presque plus. Le principal pour moi, pour l’instant, c’est d’avoir de tes nouvelles, les plus fraiches possible, me disant que tu es toujours bien portant.

Il me semble revivre les premiers mois de la guerre. Avec la seule différence qu’à présent, tu m’es infiniment plus attaché ! Je t’aimais pourtant bien au commencement de la guerre. Mais maintenant, ce n’est plus la même façon ! Aussi, je souffre beaucoup plus de te savoir au danger. Quand est-ce donc que tout cela finira et que nous serons pleinement heureux ? Comme nous trouverons cela bon, après tant d’épreuves ! Il me semble que nous n’aurons pas volé le bonheur ! Enfin, moi, mon Loul, il me semble que cela sera bientôt. J’ai peut-être tort de me faire cette idée. Mais cela me donne beaucoup de courage pour supporter les inquiétudes du moment.

Je suis garde-malade. Marie-Louise  est arrivée ce matin malade comme un chien. Elle a pris froid. Et elle a dû attraper la grippe. Je lui ai fait un bon feu. J’ai été lui chercher un cachet comme celui quo m’a fait tant de bien lorsque j’ai été enrhumée. Je lui ai bassiné mon lit et après lui avoir fait prendre le cachet, je l’ai fait coucher. A présent, elle dort. J’espère que ce soir elle se sentira mieux. Elle avait beaucoup de fièvre, et était bien abattue. Les yeux pleuraient tout seuls. Elle n’ira pas à l’Opéra demain. Je veux qu’elle se repose.

Ce matin, j’ai été téléphoner cher toi pour dire que j’avais des nouvelles toutes fraiches. Ça m’ennuie beaucoup de te savoir avec un appareil qui ne marche pas. Constamment, il y a quelque chose. C’est très embêtant de te savoir aller sur les lignes ainsi. Je ne te cache pas mon petiot que cela m’inquiète beaucoup. Tu devrais demander qu’on te le change. Et tu viendrais en chercher un neuf au Plessis. Ce que ta gosse serait heureuse…!!! Et mon Loul donc…!!!

En recommandant à ma lettre de faire bien vite pour aller te trouver, je te quitte mon mien chéri en t’envoyant de bien amoureuses tendresses et de bien doux baisers de ta gosse qui t’aime de toutes ses forces

Mino

PS : Un aimable bonjour à Pierre de ma part

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