Les bruits qui courent

Le 3 Février 1918

Mon petit chéri,

J’ai reçu tout à l’heure ta mignonne lettre du 31 et je comprends combien tu as dû être inquiet en apprenant le raid sur Paris. A l’heure qu’il est, tu as dû recevoir de mes nouvelles et être complètement rassuré sur mon sort et celui des tiens.

Tu as certainement dû être mal renseigné. Je n’ai pas entendu parler du tout qu’il y avait eu des dégâts à Belleville. Cette-fois-ci, tous les quartiers ont été presque atteints. Mais le nôtre a eu sa bonne part.

Comme je te l’ai dit, j’ai été hier à Pantin. Il n’y avait rien du tout. Nous avons demandé à un gardien du cimetière s’il y avait eu des bombes de lancées. Il nous a répondu que non. Ce qui fait voir qu’il ne faut pas croire tous les bruits que l’on fait courir.

Tant qu’à faire attention de ne pas prendre froid en cas de nouvelle alerte, rassure-toi petit Loul, nous ne bougerons pas de la maison. La cave offre bien des dangers. A l’étage où nous sommes, nous pouvons très bien rester. C’est paraît-il l’endroit le plus sûr, que le 2e étage. Je crois que de tout ça, c’est bien à la chance !

caves

Pour changer de conversation, à ma grande joie, j’ai vu un cheval pie hier près de la gare de l’Est. Est-ce une petite mission en perspective, dis mon Loul ? J’espère que oui.

Aujourd’hui Dimanche, je ne sais pas au juste ce que je vais faire. J’avais écrit à Marie-Louise pour que nous allions au Casino de Paris. Cette petite sotte ne m’a pas répondu. Ça fait que je ne sais pas si je dois l’attendre ici, ou aller là-bas. Je me demande si elle a été voir Espierre à Chateau-Thierry, ou s’il lui est arrivé quelque chose l’autre jour. Dans le fond, je ne m’inquiète pas trop car je la connais : elle ne s’en fait jamais.

En espérant que tu es en bonne santé, je te quitte petit Loul en t’envoyant de bien tendres baisers de ta gosse qui t’adore,

Mino

Mes amitiés à Pierre

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