J’ai été tout plein gâtée

Le 2 Janvier 1918

Petit Poupon chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 30 et c’est en riant que j’ai lu la grosse voix qui me grondait très fort. Tu peux voir petit Loul combien elle me fait peur !

Tout d’abord avant de m’expliquer, je commence à réclamer mes grosses claques !!! Pas une, ni deux, mais au moins une douzaine ! Et je t’assure petit chéri, que je n’oublierai pas de te les réclamer à ta prochaine permission.

Maintenant je vais m’expliquer. Je me suis en effet plutôt mal exprimée et j’ai oublié de terminer ma phrase. Je voulais dire que ce que je t’envoyais comme cadeau du Jour de l’An était plutôt maigre, puisque c’était sur papier. Je comprends très bien que si j’avais été près de toi, je n’aurais pas eu besoin de cette expression. Suis-je pardonnée ? Et aurais-je toujours mes grosses claques ? J’espère bien que vou-vou-vouy.

Hier, comme je te l’ai dit, j’ai été chez toi souhaiter la bonne année. Il y avait beaucoup de monde. Tes parents  m’ont encore gâté. Pour mes étrennes, ils m’ont donné 50f. Je n’osais accepter, mais Monsieur Sevette a insisté. Il m’a dit que j’étais un peu sa fille, aussi qu’il était tout naturel qu’il me gâte. Aussi me voilà à la tête d’une grosse fortune et je suis en train de chercher ce que je pourrais bien acheter avec. Ta grand-mère m’a donné des petits mouchoirs ravissants. Ça fait que j’ai été tout plein gâtée. Je suis rentrée heureuse comme une reine. Mon petit Loul m’envoie des baisers pendant toute une journée et bien moi, je trouve que c’est « mègre », na ! Car c’est sur papier. J’aurais mieux aimé rien qu’un seul, un tout petit, mais qu’il soit vrai. J’aurais été bien plus heureuse si j’avais eu ce riche cadeau. Enfin, cela sera pour une quinzaine de jours. Alors là, je réclame toute la journée aussi.

Tantôt, je travaille aussi, je me dépêche de terminer car il est 2h et ma patronne va me disputer.

En espérant que tu es toujours en bonne santé et sans gros cafard (plus que 18 jours petit Loul, et ta sale gosse te fera enrager), je t’envoie mon Loul Aimé une foule de baisers bien maigres, puisqu’ils sont toujours sur papier.

Celle qui t’adore,

Mino

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