Le 7 Décembre 1917 – 21 heures

Mon tout petiot chéri,

Comme je te l’ai promis, je viens bavarder plus longuement avec toi ce soir. Tantôt, je n’ai pas eu une minute. La couturière était très inquiète sur son état. Elle croyait avoir attrapé la maladie de Madame Delcroix. Aussi, je lui avais conseillé d’aller voir le docteur immédiatement. Aussi, c’est pour cela qu’elle est venue me chercher et que comme j’étais en train de t’écrire, j’ai été obligé de brusquer ma lettre. Ce dont je sais, tu ne m’en voudras pas du tout.

De plus, elle m’avait assez effrayée, ayant quelques boutons dans le dos, je croyais l’avoir aussi. Et de mon côté, j’étais très contente d’y aller afin de me faire examiner. Heureusement pour moi, ce n’est pas ça. Le docteur m’a bien affirmé que je n’avais rien du tout et qu’il n’y avait pas de danger à ce que je l’attrape.

Tant qu’à la couturière, il n’en sait rien du tout. Il lui a dit de revenir la semaine prochaine, que si c’était cela, ça serait complètement déclaré. Aussi, elle n’est pas rassurée du tout et forcément pas très contente. Il nous a dit que Madame Delcroix, c’était ça, et même très fort.

Heureusement que je n’avais pas de gentils petits souvenirs roses. Le pauvre docteur en serait resté baba ! Et les tiens, comment se portent-ils ? Ont-ils toujours bonne mine ? Tu peux toujours venir t’y faire redonner des couleurs. Ton bébé ne demande que ça, il est toujours très gourmand, tu sais ?

En sortant de chez le docteur, j’ai été aider la couturière qui a de l’ouvrage par dessus la tête. Aussi, je n’ai pas eu le temps de te remettre un mot. Je préférais le faire ce soir où j’ai beaucoup plus de temps. Maintenant, j’irai l’aider toutes les après-midi. Je remplacerai Madame Delcroix qui reste chez elle forcément. Aussi, je suis bien contente parce que je vais gagner des sous et que je pourrais me payer une belle robe lorsque mon petit Loul viendra en permission.

Bien que cela m’ennuie, j’évite le plus que je peux à aller chez Madame Delcroix. J’y ai été ce matin prendre de ses nouvelles et je lui ai dit qu’elle ne m’en veuille pas si j’y allais moins, mais que j’aidais Mademoiselle Raymonde. Elle s’ennuie énormément, je comprends bien ça.

Ça fait que me voilà passée couturière. J’ai fait une très belle robe tantôt. C’est pour un mariage. Les veinards !!! Dire que le marié a 75 ans, tu ne trouves pas ça dégoutant, dis mon Loul ? Il voudrait mieux que ça soit nous.

Je bavarde, je bavarde comme une pie, et j’oublie complètement de te dire que j’ai reçu ce soir un paquet de lettres de toi. Aussi j’étais radieuse. Il faut que je te dise d’abord que j’ai vu un cheval pie. Voilà la nouvelle, tu es changé d’endroit. Je suis contente que tu sois à Châlons, tu es dans un pays de connaissance et tu pourras peut-être avoir quelques distractions. Je me souviens assez agréablement que de cet endroit, il était assez facile de venir en mission. Est-ce que ma mémoire est bonne, dis petit Loul ? Je crois que vou-ou-ou-y !!!!!……

On me monte mon bois et mon charbon et je fais “ça que je peux” pour ne pas me faire trop de mauvais sang.

Sur ce petit chéri, je vais terminer ma lettre pour aller me mettre au dodo. Je te mettrai un mot demain matin. Je t’envoie mon mignon Aimé, une foule de bien doux baisers de ta

Mino