Ce n’est pas toujours fête

Le 8 Octobre 1917

Petit Loul Aimé,

Tu m’excuseras de t’avoir écrit un mot si court hier. Je n’ai pas eu une minute à moi. La famille Bois nous avait invité à aller déjeuner et nous devions aller à la messe à St Julien avec Yvonne. Aussi, le matin, j’ai eu beau me dépêcher, je n’étais que juste prête pour 10h. Aussi, en entendant le ténor qui venait me chercher je n’ai eu que le temps de te griffonner un mot.

J’espère que tu ne m’en voudras pas et que mon bavardage d’aujourd’hui rachètera celui d’hier.

J’espère petit Loul que tu es bien rentré à ton escadrille et que la vie n’est pas trop dure à côté des bons moments passés ici. Je suis bien certaine pourtant que tu dois t’ennuyer et que ta “sale gosse” doit bien te manquer ? Pauvre petit Poupon !!!

Moi, mon petitLoul me manque beaucoup. Depuis ton départ, je m’ennuie beaucoup. Je suis toute triste et je ne trouve plus de distractions agréables. Hier, nous avons passé la journée à la ferme. Je ne me suis pas du tout amusée. Je pensais tout le temps à toi, qui étais seul de ton côté et qui ne pouvais partager notre agréable déjeuner.

Nous avons eu une journée détestable, de la pluie sans arrêter. Nous n’avons pas pu sortir. Nous avions pris nos bécanes pour aller nous promener avec Henri. Nous devions rejoindre les parents dans une forêt près de Mamers. Nous sommes restés toute l’après-midi enfermés. Il pleuvait si fort que l’on se demandait si nous pourrions rentrer le soir. Nous y sommes parvenus en profitant d’une éclaircie. Il faisait noir sur la route, quelque chose de swan (orthographe non garantie).

Aujourd’hui, le temps n’est guère plus beau. Je t’écris à l’hôtel dans la salle à manger auprès de Mme Sevette. Nous sommes restées toutes les deux. Monsieur Sevette a été à Alençon pour avoir des nouvelles de son essence. Il a emmené Yvonne, Marie Bois, Suzanne et Loulou. Demain, il emmène Madame Magne aux Alpes Mancelles, avec Yvonne, Loulou et Suzanne. Nous restons encore avec Madame Sevette. Nous allons aller nous promener toutes les deux à pieds, pas bien loin car le temps est incertain.

Samedi soir, nous sommes bien rentrés de Nogent-le-Rotrou. J’ai cherché si je te voyais dans un compartiment, mais je n’ai rien vu, il y avait trop de monde. Je me demande si tu as pu trouver une place assise. Tout avait l’air complet. J’espère que tu as pu tout de même trouver une toute petite place de Loul et que tu es arrivé sans retard.

Nous, nous sommes rentrés assez à temps pour que Monsieur Sevette puisse faire sa cure de lait.

Le soir, nous étions toutes bien tristes en se mettant à table, moi particulièrement. Pas de petit Loul à côté de moi, pas de petit Loul pour nous faire rire. Aussi, je n’ai pu m’empêcher de fondre en larmes. Malgré tout, j’ai eu beaucoup de courage et je n’ai presque pas pleuré. J’ai été obéissante ! (Je mérite pour la peine une grosse cerise). Cela n’empêche pas que je m’ennuie beaucoup et que je me sens bien seule loin de mon chéri. Enfin, ce n’est pas toujours fête, il faut savoir se résigner et attendre patiemment de bons moments.

En attendant de tes nouvelles et en espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine mon petit Loul Aimé en t’envoyant de bien douces cerises de celle qui ne vit plus loin de toi,

Mino

PS : Nous avons reçu ce matin une lettre de Pierre. Il est reçu 14 sur 34 de reçus. Aussi tes parents sont très contents

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