J’ai mal à mes nerfs

Le 28 Avril 1917

Mon petit Lou Aimé,

Hier, en allant porter ma lettre à la poste, j’ai trouvé ta gentille lettre du 21 à mon passage. Ça fait que je rectifie ce que j’ai dit hier. J’ai eu ma lettre. Aujourd’hui aussi. Celle du 22. Comme tu vois, les lettres ne me viennent pas très vite. Des nouvelles de six jours, ce n’est pas très frais, malgré tout, je m’en contente et avec joie.

Ce qui me semble drôle, c’est que tu m’écris un dimanche et que tu me demandes ce que j’ai fait. Demain, c’est Dimanche, aussi je pourrai plus facilement te dire ce que je pense faire demain que te dire ce que j’ai fait Dimanche. D’ailleurs, je te l’ai conté dans une précédente lettre, nous avons été à St Denis, Marie-Louise et moi.

Maintenant si mon Dimanche n’a pas été trop triste ? Ma foi, non ! Il nous est arrivé tellement d’aventures !!! Malgré tout, il aurait été encore plus gai si je l’avais passé avec toi. Aussi, je pardonne à mon grand taquin chéri de me faire enrager.

Je viens de laisser ma lettre en plan. La concierge vient de me monter ta mignonne lettre du 23. Je peux dire que je suis favorisée aujourd’hui. Deux lettres, je suis une petite gâtée. En plus de ça, j’ai encore vu mon cheval pie, hier après-midi et ce matin. Qu’est-ce que cela veut dire ? Trois jours de suite, c’est épatant. Je ne sais si c’est à cause de ça, mais je suis énervée aujourd’hui, c’est effrayant. Depuis ce matin, je ne tiens pas en place, un vrai pantin.

Il y a longtemps que je n’avais eu mal à mes nerfs, mais aujourd’hui, ils se rattrapent ! Pas de chance pour moi.

Ce matin, en descendant au marché, j’ai eu ta gentille lettre, aussi je partais tout en la lisant, quand tout à coup, je me suis cognée dans un gosse qui portait des planches. Heureusement, il n’y a pas eu de bobo, mais à cinq centimètres près, les planches me rentraient dans la figure. De là, il m’a pris une crise de rire, je ne pouvais m’arrêter. Comme tu vois, c’était très drôle.

Dans la lettre de tout de suite, à ce que je vois, vous êtes encore arrosés. J’espère qu’une prochaine lettre me tranquillisera un peu.

Dans cet espoir et dans l’attente de tes nouvelles, je t’envoie mon Lou adoré une foule de tendres baisers de ta petite

Mino

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