Un modèle ravissant de béret

Le 27 Avril 1917

Mon petit Coco,

Aujourd’hui je ne suis pas bousculée comme hier, aussi je viens bavarder plus longuement avec toi. Pour commencer, je n’ai pas eu ma lettre ce matin. Mhmmmm !!! J’espère l’avoir ce soir. J’ai vu un cheval pie hier, il va m’arriver certainement quelque chose d’extraordinaire. J’espère en bon. Je n’en avais pas vu depuis quelques jours avant ta permission. Tu vois, ça fait longtemps, c’est pour cela que je dis qu’il va m’arriver une chose extraordinaire.

Je viens de bondir à la fenêtre, un taxi qui s’arrêtait ! Je croyais que c’était le fait extraordinaire qui m’arrivait. Malheureusement, c’est un ignoble bonhomme qui en est sorti, et encore, pour à côté. C’est loin d’être mon Lou. Enfin !!!! J’aurai aussi bien fait de rester sur ma chaise.

Je suis très fière de moi, je viens de me fabriquer un béret, et j’ai obtenu un modèle ravissant. Je voudrais que tu me voies avec, c’est roulant. Rien que de me regarder dans la glace, ça me fait éclater de rire. Je le mettrai pour aller à bicyclette. Il va avec la robe que j’ai faite moi-même et que tu aimes tant. Ce qu’il y a de  plus drôle, c’est avec ce chapeau à carreaux de Cayeux que je l’ai fait. Ce chapeau a obtenu un certain succès aussi le jour de notre folle équipée au Tréport. Je te vois encore avec, et la rose qui te tombait sur l’oeil !!! A côté, de ce chapeau-là, mon béret est un amour.

carreaux-chapeau

Dans le fond, pour simuler un pompon, j’ai mis un gros chou bleu-marine et la passe est aussi bleue. Il n’y a que le béret qui est à carreaux. Si j’avais de la patience, je broderais un nom devant. J’aurais tout à fait l’air d’avoir un béret de gosse. Je suis en rage de ne pouvoir mettre ce bonnet que loin de toi. Si tu le voyais, je suis sûre que tu en serais fou. Aussi, je serais complètement fière de mon oeuvre si tu pouvais en profiter.

Pour mon chapeau gris, nous nous sommes très bien entendues avec Marie-Louise, je le garde pour l’instant. Si je vois qu’il ne me plait plus, je lui repasse. Hier, j’ai fait la connaissance d’une de ses camarades de l’Opéra qui a le don d’imiter Charlot dans la perfection. Elle lui ressemble beaucoup.

charlot

Dimanche, s’il fait beau, nous devons aller au bois. C’est une recommandation qu’on lui a faite de prendre beaucoup l’air. Afin qu’elle se porte mieux. Pour changer, elle est toujours enrhumée. Elle m’a prié de te remercier pour la bénédiction que tu lui accordes.

En espérant que ta santé est toujours bonne, je termine mon mignon chéri en t’envoyant mille doux baisers de celle qui ne pense qu’à son Lou,

Mino

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