Le 5 Février 1917

Petit Lou chéri,

J’ai reçu ce matin ta gentille missive du 2. Tu m’as bien amusé avec la concierge. Comme j’aurai ri si elle s’était payé cette petite lecture la concernant. Elle qui aime bien mettre son nez partout, elle aurait été bien attrapée. Vraiment, j’aurai bien voulu être à la place de ma lettre qui s’est payée un petit voyage en coucou, surtout chez les boches.

Ça me fait penser qu’hier j’ai oublié de te répondre au sujet de ton fétiche. C’est très bien trouvé, tu ne pouvais avoir mieux. De cette manière, tu peux être certain d’être invulnérable aux boches. Et ton éléphant ? Est-il toujours en vie ? J’en ai un autre maintenant, j’ai remplacé le tien. Aussi, si quelquefois le tien te faussait compagnie, je pourrais le remplacer.

Merci pour ta bonne intention au sujet du papier à lettre. Maintenant plus que jamais j’ai besoin d’espérance. Aussi j’ai envie de me racheter pour cet été une robe verte, ça m’a bien réussi jusqu’à présent.

Au sujet de papier à lettre, moi je suis en train de me battre avec le mien. Impossible d’écrire, il est charmant. Tous ces jours-ci, tu as du te demander s’il n’y avait pas une crise de papier à Paris. Je t’écrivais sur des petits bouts de papier bien fin. C’était pour ne pas écrire sur cet ignoble papier. Jamais je n’ai vu pareille camelote ! Pour écrire un mot, il faut au moins cinq minutes et il faut appuyer de toutes ses forces. Je suis forcée de m’exécuter aujourd’hui, je n’ai plus de petits carrés. Vite, que je sorte un de ces jours pour en trouver un meilleur !

Je vais chez toi tantôt, il neige à gros flocons, j’ai toujours de la veine les jours où je sors. Quel sale temps, quand-est-ce que ça finira ?

J’ai reçu une gentille lettre de Marie-Louise ce matin, elle me console le mieux qu’elle peut sur ton départ et elle me dit qu’il ne faut pas lui en vouloir si elle n’est pas venue le jour promis. C’est à toi qu’elle dit ça. Je lui avais répété ce que tu m’avais dit. Si sa lettre n’était pas si longue, je te l’aurais jointe pour que tu voyes comme elle est gentille. Elle me dit de te souhaiter le bonjour. Elle, en ce moment, est dans la joie, moi c’est le contraire. Enfin, c’est chacun son tour.

Je te quitte mon petit Lou pour me sauver chez toi. En espérant que tu es en bonne santé, je t’envoie mon Lou Aimé les baisers les plus doux de ta petite Mino