Mon chapeau avait trop de succès

Le 5 Septembre 1916

Mon Loulou aimé,

Ce matin, j’ai eu le double plaisir de recevoir tes gentilles missives du 3 et 4. Comme j’étais seule à la maison, j’ai pris le temps de les déguster. Je les ai relu toute la matinée. Je suis très contente de savoir que tu n’as pas gardé un mauvais souvenir de notre dernier après-midi, je craignais de t’avoir un peu fâché. Aussi, je suis complètement rassurée à ce sujet maintenant.

Je commence seulement à être un peu plus calme. Dimanche, mon amie ne me reconnaissait pas tant j’étais encore énervée. Pourtant ce n’était rien à coté des jours précédents. Nous avons été au camp d’aviation. Mais au bout d’un quart d’heure, j’en ai eu assez et nous sommes parties. Mon chapeau avait trop de succès et cela me faisait mal au coeur, car c’est rien que pour toi que je le mets et non pas pour les autres. Aussi, c’était peut-être ça qui m’avait énervé. Toujours est-il que mon amie m’a dit : “On voit que vous avez vu votre fiancé. Vous n’êtes plus la même”.

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Mon chéri, tu as raison, si j’avais suivi tes conseils, je ne me serais pas assise par terre à bicyclette, mais je suis pardonnable puisque c’est un aéro que je regardais. Tu sais, mon pouce ne me fait pas souffrir du tout, la preuve, j’écris très bien sans qu’il me fasse mal et c’est le droit. Il est tout noir, mais cela n’a pas d’importance puisque tu n’es pas là. Aussi je ne veux pas que tu sois désolé pour si peu. Moi je suis bien désolée, mes gentils bleus ou plutôt les gentils bleus de mon Loulou ont disparu. C’est navrant, ça devrait resté toujours je trouve !

J’ai une commission à te faire de la part de ton père. Il m’a prié de te dire pour ta bicyclette que tu la prendrais quand tu viendras en permission, car elle avait besoin d’être réparée. Donc ne l’attend pas.

Il vient de m’arriver une surprise, Marie-Louise vient me chercher pour faire des courses. Je suis bien contente qu’elle soit rentrée. Je vais moins m’ennuyer. Je vais profiter de sa compagnie pour aller chercher tes insignes.

Pauvre Lou chéri, je vais être forcée de réduire ma lettre, moi qui avait encore tant de choses à te dire. Mais lorsque j’écris près de quelqu’un, ce n’est plus ça, aussi je continuerai ce soi, ça vaudra mieux. En même temps, je te dirai le résultat de ma démarche pour tes insignes.

En attendant de tes bonnes nouvelles, je t’envoie mon amour de petit Loulou des millions de baisers. Celle qui pense à toi sans cesse et qui t’adore follement,

Germaine

PS : Marie-Louise me communique qu’elle a une de ses amies qui connait une personne à Avord du nom de Louis Derrien. Le connais-tu ?

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