Paulette se déguise

Le 10 Juillet 1916

Mon Loulou chéri,

Ce matin, j’ai eu le plaisir de recevoir deux gentilles lettres ensemble. Ce sont celles du 7 et 8. Elles sont sans doute encore restées en souffrance dans un lieu quelconque pour avoir mis tant de temps à me parvenir.

Rassure-toi, je n’ai pas eu trop de bleus lors de ma dispute avec Loulou. Je lui pardonne depuis qu’elle m’a montré les photos de Berck.

Je suis en ce moment à t’écrire en compagnie de mon petit diable Paulette. Elle est assise à côté de moi au bureau et comme elle n’est pas assez grande sur sa chaise, elle a été se chercher un coussin qu’elle a plié en quatre. Elle écrit parait-il à son mari. Je ne sais si sa lettre est intéressante ; toujours est-il que j’ai la paix en ce moment.

Tu ne t’imagines pas que tout à l’heure, il a fallu la coiffer comme moi, avec un chignon, lui mettre des épingles comme pour une dame dit-elle, et ce n’est pas tout, elle a voulu de la poudre de riz, mon chapeau avec une voilette, ma jaquette, mon sac, mon sautoir et ma fourrure. J’aurai voulu que tu la voies, c’était mourant. Elle était très contente. Elle voulait que je la sorte dehors. Tu vois d’ici le tableau ! Voilà comme j’ai passé mon temps depuis déjeuner. Je suis je crois aussi gosse qu’elle.

Je suis contente pour toi, que tu avances de classe, mais il ne faudrait pas non plus que tu ailles trop vite ! J’espère avoir des nouvelles fraiches ce soir.

En attendant le plaisir de te lire, je t’envoie mon chéri mes plus doux baisers.

Ta fiancée qui t’adore,

Germaine

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