Un rude travail

Le 26 Juin 1916

Mon petit chéri,

J’ai reçu ce matin ta bonne lettre du 24 et à la minute celle du 25.

Tu me demandes quelques exemplaires de mes photos. Je t’assure, j’y perds la tête. Depuis la semaine dernière, je passe toutes mes journées à développer, à fixer et à virer. Je crois qu’en continuant, elles vont me rendre folle. Je n’ai plus une minute à moi.

Enfin, j’ai obtenu un résultat, ça m’encourage. Je t’en envoie deux. Celle où je suis avec Suzanne est à peine sèche, mais elle aura le temps de sécher dans la lettre. Ce ne sont que des épreuves, Dimanche, je t’en donnerai des mieux.

J’en ai bien d’autres, mais ce n’est pas moi qui suis dessus, ça n’empêche pas que ça me donne un rude travail. Ce qu’il y a de mieux, c’est que l’on me prend pour un photographe consommé. Hier au bois, cinq jeunes filles sont venues me demander de les tirer avec un kodak. Je t’assure qu’au premier abord, j’étais légèrement embarrassée, mais je n’ai eu l’air de rien et c’est d’une manière très digne que je les ai prises.

kodak

En ce moment, j’ai mon diable qui m’agace, je lui ai promis de la photographier, aussi ce n’est pas rien de la tenir tranquille pour que j’écrive.

J’espère que ma lettre te trouvera en bonne santé.

Tu ne te moqueras peut-être plus de mon appareil maintenant ?

Je termine ce griffonnage en t’envoyant mon Loulou chéri, mes plus doux baisers.

Ta petite fiancée qui t’adore,

Germaine

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