Suis-je moqueuse !

Le 13 Juin 1916

Mon petit chéri,

Depuis trois jours comme un fait exprès, chaque fois que je me mets à t’écrire, je suis on ne peut plus pressée. J’ai toujours quelqu’un qui m’embête lorsque je prends la plume. Avant hier, une amie m’attendait aussi je t’ai écrit un mot à la hâte et ce matin, ou plutôt cet après-midi, j’avais mon diable qui ne me laissait pas tranquille. C’est de sa faute si je suis arrivée en retard chez Loulou et c’est de sa faute si je t’ai envoyé encore un mot si court. Enfin ce soir, je prends tout mon temps pour t’écrire une longue lettre.

J’ai reçu ce matin ta gentille lettre du 11 et ce soir celle du 12. Avec ces jours de fête, je suis restée deux jours sans nouvelle aussi c’est avec joie que j’ai reçu ces deux missives. Je commençais à m’ennuyer un tout petit peu. Je vois que tu ne dois guère t’amuser, s’il fait si vilain temps que ça. A Paris, c’est pareil, le temps est très mauvais et en plus, très froid, on se croirait au mois de Janvier.

La séance de cinéma que tu me racontes devait être en effet très drôle. Cela me rappelle le cinéma de Cayeux. Ce n’était pas pour les films que j’y allais, c’était pour admirer la manière dont s’y prenait l’opérateur. C’était mourant. Avec Marie-Louise, nous en sortions malades tant nous avions ri.

Comme toi hier, j’ai été au spectacle. Sans avoir vu le tien, je suis sûre que le mien était mille fois plus intéressant et plus joli. Il est vrai qu’il ne faut peut-être pas comparer le Français avec le Ciné-palace du Crotoy. Suis-je moqueuse !

figaro 12-06-16

→ Polyeucte

C’est grâce à cette bonne Marie-Louise que je me suis un peu distraite, je me suis même bien amusée, c’est une manière de parler, car j’y ai été de ma larme.

Entendu, Lundi prochain je serai prête. J’aurai mon chapeau sur la tête, je n’aurai plus qu’à descendre lorsque tu arriveras. Est-ce que cela te plait ? Ou aimes-tu mieux que je ne sois pas prête ? Je ne sais lequel des deux tu préfères !!!

Aujourd’hui, cela n’avait guère d’importance que j’arrive un peu en retard chez Loulou, nous ne sommes pas sorties vu le temps.

J’espère que tu es toujours en bonne santé et j’espère toujours te voir pour Samedi soir. Cette fois-ci, tu ne te rencontrera pas avec Pierre. Suzanne m’a dit tantôt qu’il était venu 24 heures hier, aussi sa prochaine permission sera pour Dimanche en quinze.

En attendant de tes bonnes nouvelles pour demain, je t’envoie petit Loulou chéri les baisers bien tendres de ta petite fiancée qui t’adore follement,

Germaine

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