Plus je te vois, plus je t’adore

Paris, Le 13 Avril 1916,

Mon amour de petit Loulou,

J’ai reçu ce soir en rentrant de bicyclette ton adorable lettre du 12. Comme je t’avait dit dans une de mes précédentes lettres, nous devions Suzanne, Loulou et moi faire une partie de bécane, mais Mardi dernier, le temps ne nous a pas été propice, nous avions remis cela à aujourd’hui Jeudi. Le temps n’était guère plus beau, et il fallait vraiment avoir envie de se promener, car il a plu toute la matinée, même au moment où nous sommes parties. Enfin, cela s’est passé, et nous avons fait une assez bonne promenade jusqu’au bois de Vincennes, mais que de boue ! Les pavés ne sont pas plus moelleux depuis l’année dernière. Ce soir, je suis un peu en capilotade, on voit que j’ai perdu l’habitude.

vincennes

Enfin, assez parlé de moi, revenons à ta mignonne lettre que j’ai trouvé en rentrant, c’est beaucoup plus intéressant.

Tu me demandes une confession complète de tous mes nombreux défauts. Mon chéri, cela serait bien long. Je crois même que ce papier ne suffirait pas, car tu sais, je suis loin d’être parfaite. Mais si tu y tiens, je pourrai tout de même te les envoyer avec plaisir. Je préfèrerais te les dire de vive voix lorsque je te verrai, cela serait plus intéressant.

Je reconnais que tu es très taquin, mais je suis loin de m’en plaindre, au contraire, je ne demande qu’une seule chose, c’est de pouvoir te mettre bientôt à l’épreuve. Si tous tes défauts sont proportionnés à celui-là, et s’ils sont ressemblants, je voudrais bien les connaître, car me trouvant bien du premier, il n’y a pas de raison que pour les autres, ça ne soit pas pareil.

Tu as raison mon petit chéri, moi aussi je trouve que nous nous aimons pas comme tout le monde, d’ailleurs, il est impossible que l’on soit aimé au point où je le suis. Tu n’as pas besoin de me le dire, je le sais bien, rien que lorsque tu me regardes, tes yeux parlent pour toi, ils ont une impression si douce et caressante qu’ils veulent en dire plus long à eux seuls qu’une parole de tes lèvres. Lorsque tu me regardes, tu as toujours l’air de me dire “je t’aime”. Aussi, je n’ai pas de mal à croire un aveu.

Je l’ai deviné avant que tu me le dises. Non, personne ne peut être aimé comme je le suis, c’est impossible. Quel délice pour moi ! Je ne pourrai jamais dire combien je suis heureuse à cette pensée.

Mais en échange, mon petit chéri, tu peux être fin de la façon dont tu es aimé. Comme tu dis, mon amour pour toi est le plus fort sur terre, moi j’ajoute le plus fort de toute la terre, car je ne crois pas que l’on puisse arriver à un degré plus haut que le mien. Tu peux être sûr que tu avais raison, et que jamais tu ne te tromperas, car plus je te vois, plus je t’adore.

13-04-16

Je viens de m’apercevoir qu’il est onze moins 25 et que je ne suis pas encore couchée. Si mon père me voyait, je me ferais surement attraper. J’étais si bien près de toi, que je ne me suis pas aperçue que les heures filaient.

Avant de me reposer, je t’envoie mon amour de Loulou, toutes les meilleures tendresses de celle qui ne vit que pour toi,

Germaine

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