Vois ce mélange !

St Quay, Le 28 Juillet 1915

Mon petit chéri,

Hier pas de nouvelles de toi. Je ne m’en étonne pas puisque je sais qu’en ce moment il t’est impossible d’écrire. J’espère qu’aujourd’hui je serai plus favorisée.

J’ai été hier à Etables, petit trou des environs à trois quart d’heure d’ici. Je ne sais pas trop comment employer mon temps : ma seule amie ici est ma bicyclette. Aussi, je lui en fait voir de durs. Pour aller à Etables, la route monte tout de même. Cela me fait les jambes et me donne de l’appétit. La preuve c’est qu’hier au soir j’ai fait une de ces salades peu ordinaires. Ecoute plutot. Cela en vaut la peine.

En rentrant d’Etables, j’ai pris un bain vers 5 heures ½. Ensuite je me suis achetée des gâteaux. De là j’ai été voir une dame qui faisait cuire des crevettes. Je me suis mise à en manger avec une tartine de beurre. J’en ai mangé deux assiettées. Ensuite je suis rentrée à l’hôtel et grimpé sur une chaise j’ai dévalisé un cerisier. De là je me suis mise à table et j’ai dîné. Vois-ce mélange !

Est-ce que tu es bien couché dans ton hamac ? Y dors-tu bien ? Manges-tu toujours tes lèvres. Non, j’ose l’espérer, car, que me resterait-il !

J’espère à part ça que tu es en parfaite santé. En attendant de tes nouvelles, je pose mes lèvres sur les tiennes pour t’empêcher de les manger.

Ta petite fiancée qui t’adore,

Germaine

L’absence est à l’amour
Ce que le vent est à la flamme
Elle éteint les foyers vulgaire
Elle ravive les incendies

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