Confiseur de Verdun

Paris, Le 5 Juin 1915

Mon petit chéri,

Je viens de recevoir ta mignonne lettre du 2 à l’instant. Je ne me couche pas sans te répondre. Il est en ce moment 22 heures et j’ai reçu ta lettre à 21, tu vois, je ne perds pas de temps pour te répondre.

Il fait en ce moment une chaleur torride à Paris. Comme il ferait bon à la campagne ! Je suis dans la chambre, la fenêtre grande ouverte et je songe… A qui, tu le devines ?

Je songe à mon Loulou adoré. Je songe qu’à la même époque, un an en arrière, je partais pour Cayeux, c’est à dire que j’étais arrivée depuis le matin. Je pense aussi au grand bonheur qui m’était réservé dans ce voyage. Celui de te rencontrer, de te connaître et de t’aimer.

Pauvre Cayeux ! Cette année, je crois que je n’en verrai pas la couleur. Pourtant, j’aurai bien besoin d’un changement d’air.

Paris commence à me peser étrangement. Je le trouve bien triste et bien vide sans toi. Mais il me semble qu’à Cayeux, je m’ennuierais doublement. Le souvenir des bonnes journées passées avec toi reviendrait trop à ma mémoire, la vue d’un endroit où tu étais , où tu as passé me ferait bien mal au coeur. Ce que je ferai, où j’irai cet été, je l’ignore. Cependant, j’ai un voyage en tête qui me plairait beaucoup, ce voyage serait d’aller te voir. Mais cela est bien difficile je pense.

Tu me dis dans ta lettre que tu es à Verdun. Dire qu’il y a trois ans, mon père m’y a emmené. Tu habites un faubourg ? Lequel ? Tu me dis que tu as l’intention de te baigner dans le canal. A ta place, je préfèrerais la Meuse qui est beaucoup plus large. Quoique cette rivière me fait bien peur et m’impressionne énormement. Son courant est trop fort.

05-06-15

J’ai gardé un très bon souvenir de cette ville, surtout d’un certain confiseur au nom de Braquier chez lequel j’ai mangé grand nombre de dragées. Je me rappelle aussi d’une chose qui m’avait beaucoup amusé : tous les matins, nous étions réveillés par les sonneries de plusieurs clairons.

Je crois que le plus sage moyen pour te revoir est d’attendre la fin de la guerre. Mais c’est bien long ! Enfin, reprenons courage, la fin est peut-être plus tôt que nous le pensons.

Profite bien de ton repos mon petit chéri. Tu étais il me semble bien fatigué et tu paraissais fort triste dans tes avants-dernières lettres. Aussi, tâche de t’amuser et de te distraire un peu.

J’espère que ma lettre te parviendra en bonne santé. Tant qu’à moi, je vais toujours très bien.

J’arrête là mon babillage car il se fait tard. Je te quitte, mon Loulou adoré, en t’envoyant un collier de baisers.

Ta petite fiancée qui t’adore,

Germaine

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