Le 14 Juin 1919

Mon tout petiot Aimé,

J’ai reçu hier soir ta mignonne lettre du 10 contenant tes bons voeux pour mon anniversaire et ma fête. Merci mille fois petit chéri. Comme j’aurais voulu que tu sois là ! Jamais je n’ai eu le plaisir de t’avoir près de moi ce jour-là ! Enfin, j’espère bien que l’année prochaine, c’est de vive voix que tu me souhaiteras mes 22ans ! Ne dis pas, petit Loul, que tu manques à tous tes devoirs en ne m’envoyant rien. Tu m’envoies de nombreux baisers et beaucoup de caresses. N’est-ce pas suffisant ? dis, mon chéri ? Moi je trouve que c’est beaucoup !!!

Papa vient de m’apporter un énorme bouquet de roses. J’en suis assez embarrassée, allant chez Marcel tantôt, il va falloir que je le trimballe. J’ai peur que dans le métro, il subisse un léger aplatissement !

Les trams sont toujours en grève. Les autobus sont conduit par des gens de bonne volonté. Suzanne a l’intention de s’engager comme conductrice d’autobus. Et moi comme receveuse de sa voiture. Maman a l’intention de poinçonner les billets à la station Belleville. Un de ces jours, lorsque tu viendras, tu seras tout étonné d’apercevoir Maman au portillon du métro Belleville ! Je blague, mais dans le fond, nous sommes bien décidées à offrir notre concours.

En ce moment, le soir, nous faisons des parties de poker acharnées. Nous avons fair un Joker et je t’assure que ça barde. Nous faisons enrager ta pauvre Maman. Je ne te dis que ça !

Pierre est toujours à la maison. son camarade ne pouvant aller chez lui de peur que la grève des cheminots l’immobilise, a téléphoné à Pierre qu’il reste jusqu’à nouvel ordre.

J’espère, petit chéri, que tu te portes toujours très bine. Reçois de ton petit bébé qui vient d’avoir 21 ans de bien douces câlineries et de bien tendres baisers,

Mino