Notre future installation

Le 19 Juin 1919

Mon tout petiot chéri,

Je n’ai rien reçu de toi hier. Aussi, je suis toute triste ! Ce matin, le facteur n’était pas encore passé lorsque je suis partie, ça fait que je ne sais pas s’il y a quelque chose pour moi. Enfin, j’espère que ce soir à mon retour, j’aurai deux mignonnes lettre à lire.

Hier, j’ai été chez le dentiste qui m’a encore charcuté avec ses ciseaux. Il m’a orifié encore une dent, je n’en ai plus que 3 à arranger. Il est resté une heure avec moi. Les gens qui attendaient dans le salon ont dû s’amuser !

En sortant, figure-toi que j’ai trouvé une fortune… un porte-monnaie avec 17f80 !!! J’ai été le déposer au commissariat du quartier. Ce qui m’a fait perdre 1 heure.

Tu me demandais dans ta dernière lettre, petit Loul, si j’avais parlé à Suzanne au sujet de notre nouvelle installation. Oui, et figure-toi qu’hier matin, elle a profité que Maman parlait maison de campagne pour lui dire qu’on aurait bien pu s’occuper de nous. Tu penses si Maman a sauté. Alors, nous en avons parlé toutes les trois et Suzanne a fait comprendre à Maman que notre installation avenue Ledru-Rollin n’était pas possible et qu’en plus de ça, mon père n’avait peut-être pas l’intention de déménager et qu’autant faire que de cherche quelque chose pour lui, on pouvait aussi bien chercher pour nous et peut-être trouver mieux.

Lorsque j’avais parlé à Suzanne, je lui avais fait comprendre que la vie avec mon père, même momentanément n’aurait rien d’agréable pour nous et surtout pour toi, qui serais obligé de le supporter. Je lui avais dit que cela ne nous plaisait pas du tout et que l’après-midi du jour que ton père avait parlé, tu m’avais dit que tu avais presque l’intention de rengager. Voilà Suzanne qui dit ça à Maman ! Tu penses si elle était embêtée. Elle a été le dire à ton père, qui s’est mis à rire.

Le soir, Nounou en revenant de chez M. Fribourg a rapporté un papier avec une adresse d’appartement pour nous. Elle l’a donné à ton père en disant : “Voilà une adresse d’appartement pour Lucien.” Ton père l’a regardé en disant : “Il faudra aller voir.” Après, il a dit : “ça sera très difficile de trouver pour Octobre, vous verrez !” Alors Maman a dit : “Ça n’a pas d’importance, Lucien ne sera peut-être pas démobilisé avant.” Suzanne a fait remarquer que d’ici le moment du déménagement, nous n’aurions rien pour nous loger. Maman a dit : “On s’arrangera, on vous mettra un lit dans le salon en attendant que vous trouviez un appartement.”

Enfin, ça a l’air de s’arranger, il ne fait plus à présent que l’appartement. Je me suis mise en campagne, depuis ton départ, et je n’ai encore rien trouvé. Les écriteaux pour Octobre ne sont pas encore mis, seulement pour la fin du mois. J’ai été voir l’adresse de Nounou ce matin. C’est trop grand, 5 pièces et 3000f. C’était Avenue Parmentier.

Tantôt, je vais aller faire un tour du côté de Montmartre.

En espérant que tu es en bonne santé et avoir de tes nouvelles à mon retour, je te quitte mon chéri Aimé en t’envoyant les plus doux baisers et les meilleures tendresses de ton petit bébé qui t’adore,

Mino

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