Le 27 Mai 1919

Mon petit Loul chéri,

Ce matin, je suis partie d’assez bonne heure de la maison pour venir déjeuner chez mon père, aussi, je n’ai pas eu de mignonne lettre. Je l’aurai probablement ce soir à mon retour.

Ce que je prévoyais est arrivé ! Hier, j’ai été chez le dentiste (il m’a fait bien mal) et la question frais est arrivée sur le tapis. J’avais raison de me tourmenter et de penser que tous ces soins coûteraient très cher !!! Encore beaucoup plus cher que je ne pensais puisqu’il me demande 160f pour m’arranger 7 dents et le nettoyage de bouche, 4 dents de sagesse et 2 grosses à côté plus une petite qui a besoin d’être plombée. Je suis restée stupéfaite à cette nouvelle ! Je ne voulais pas le croire tant c’est cher !

De plus, il m’a demandé de verser la moitié de la somme la prochaine fois que je viendrai. Tu penses, petit Loul, si je suis rentrée avec un énorme cafard, je n’ai pu me contenir et en arrivant à la maison, (c’était hier Lundi), j’ai pleuré comme une madeleine dans la chambre de Suzanne. Tout le monde a essayé de me consoler, mais on a eu beaucoup de mal à y arriver. Comme j’aurais voulu que tu sois là, petit chéri, je n’aurais pas eu tant de chagrin.

Suzanne qui me voyait si ennuyée m’a dit qu’elle en parlerait à ton père et que tout s’arrangerait. En effet, le soir, en allant reconduire Mme Schwab, elle lui en a parlé et en revenant, elle m’a dit que le jour que j’irai chez le dentiste, que je n’aurai qu’à lui dire qu’elle demanderait l’argent à ton père. Cela est très bien, mais ça m’ennuie beaucoup, car c’est une grosse somme et je suis toujours à demander, et cela m’embête.

Comme je me dégoûte en ce moment ! Je ne suis bonne qu’à dépenser de l’argent ! Pauvre Loul ! En ce moment, tu ne reçois que des lettres de cafard et cela ne doit pas te faire plaisir ! Dire que je t’avais promis d’être très sage. J’ai manqué à ma promesse, j’espère que tu ne m’en voudras pas de trop et que tu viendras tout de même ? Dis, mon chéri ?

Comme je compte les jours et comme je voudrais vieillir vite pour te revoir bientôt ! Pense cela fait 25 jours que je ne t’ai pas vu. Autant dire un siècle !

Je vais toujours tout doucement, plutôt mieux.

J’espère que toi, tu es en bonne santé. Dans cet espoir, je te quitte mon chéri Aimé en t’envoyant les plus doux baisers de ta petite gosse qui s’ennuie beaucoup sans toi,

Mino