Grosse émotion

Le 23 Mai 1919

Mon tout petiot Aimé,

J’ai reçu ta mignonne lettre du 18 hier au soir. Je n’ai pas été étonné du tout en apprenant que tu ne comptais pas t’esquiver avant la signature des préliminaires. Je me doutais bien qu’en ce moment vous deviez être très tenus.

L'Intransigeant__bpt6k788925x_1

A mon grand déplaisir encore, j’ai vu hier sur l’Intran que les boches avaient demandé un nouveau délai. Cela fait le second. J’espère qu’on ne leur accordera pas sans quoi cela n’en finira plus. Sur le Journal de ce matin, il y a un article sur la démobilisation. On promet qu’aussitôt les préliminaires signés, on la reprendra et très vite. J’ose l’espérer !

Hier tantôt, j’ai eu une grosse émotion ! J’étais tranquillement en train de travailler en compagnie de la femme de ménage, un formidable coup de sonnette me fait bondir. Je cours à la porte toute souriante pensant voir mon Loul chéri et pas du tout ! Mon sourire est resté figé sur mes lèvres en apercevant un vieux bonhomme qui me demandait M. Lalanne (c’est le voisin d’en face). Je lui ai claqué la porte au nez en lui disant :”C’est en face.” J’étais furieuse, et toute déçue. J’ai été au moins 1 quart d’heure à me remettre tellement mon coeur battait !

Monsieur Mabile a eu une réponse au sujet de son affaire. Cela ne gaze pas. C’était pour faire des camions. Il dit que ce n’est pas intéressant, vu qu’en France on en fabrique beaucoup. Il croyait que c’était pour lancer une petite voiture, aussi cela ne concorde pas du tout.

Sur ce, petit Loul, je vais te quitter, voici Gabrielle qui arrive, nous allons déjeuner. Tout de suite après, je vais chez le dentiste .

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon petit chéri, une foule de bien tendres baisers et de bien douces caresses de ta petite gosse qui t’adore,

Mino

Creative Commons License