Le 1er Mars 1919

Mon petit Loul chéri,

A ma grande joie, j’ai reçu hier soir ta mignonne lettre du 25. Je suis heureuse de savoir que tu es toujours en bonne santé. Je commençais à m’ennuyer et à trouver le temps long sans nouvelles.

Hier soir en rentrant, je n’ai rien trouvé pour moi. Aussi j’avais un peu le cafard. Heureusement lorsque je suis descendue dîner, Papa m’a donné ta mignonne lettre et tout de suite, ça allait mieux. Je vois que vous êtes toujours décidés à déménager, moi qui espérais te voir encore  une fois, je suis chocolat, mais je pense que tu pourras venir tout de même une petite fois avant ta permission. Si vous allez à Carlsruhe, c’est encore assez direct, bien que ça soit bien loin de Paris.

Aujourd’hui, il fait un temps superbe, aussi vous avez certainement dû en profiter pour prendre l’air.

Pierre vient toujours tous les soirs à la maison. Son nouveau métier à l’air de lui plaire. Dernièrement, il a été de corvée de pommes de terre. 200 kilos à éplucher à 10. Cela n’a rien de folichon ! Surtout qu’il n’en mange pas, puisqu’il dîne à la maison. Il a rouspété, mais il n’y a eu rien à faire.

Hier soir, nous avons joué… et j’ai perdu ! Une grosse somme tu sais petit Loul ! 5…centimes !!! Tu me pardonnes, dis, de gaspiller ainsi tous tes sous ??? N’est-ce pas petit chéri ?

Papa m’a remboursé aujourd’hui. J’ai oublié de te dire que j’avais acheté du tissu. J’en ai eu pour 88f40. J’ai de quoi me faire faire une robe entière et un costume tailleur. C’est une occasion que j’ai faite et sans le vouloir. C’est de la chance car je pensais mettre 80f pour avoir une robe et là, pour 8f de plus, j’ai un tailleur vieux rouge. Ce sont 2 coupons que j’ai trouvé chez Benoiston. C’est du tissu d’avant la guerre.

Je pense que ma lettre te trouvera en bonne santé et déménagé. En espérant que tu ne seras pas trop mal installé et que tu pourras t’échapper encore, je termine ce mot en t’envoyant petit chéri Aimé les plus tendres baisers de ta petite gosse qui pense sans cesse à toi,

Mino