Le 6 Mars 1919

Mon tout petiot Aimé,

Je viens de recevoir ta mignonne lettre du 4 à l’instant, je te réponds tout de suite, car aujourd’hui, ma journée est bien remplie. Je vais à la maison, j’ai mon déjeuner à préparer, ensuite l’après-midi, j’ai rendez-vous avec Madame Schwab à 2h à la porte du théâtre Antoine. Je vais voir Le Marchand de Venise sans toi, cela me fait gros au coeur !

Georgette avait donné 2 places pour Mme Schwab et Maman. Comme Maman est obligée de garder la chambre, Madame Schwab m’a offert sa place. Je ne l’ai su qu’hier au soir. J’avais justement rendez-vous avec Marie-Louise à 2h¼ derrière l’Opéra. J’ai été vite mettre un pneu hier soir. J’espère qu’elle l’aura à temps.

Hier tantôt, comme je n’avais rien à faire, j’ai été voir l’Homme à la cagoule. Ça devient d’un compliqué ! Je te raconterait ça dans ma lettre de demain. Avec ça, il y avait 3 autres films qui n’étaient pas mauvais du tout. Je ne sais pas si c’est parce que c’était un dernier jour de ce programme, mais la séance a duré joliment longtemps. Je suis arrivée à 2h½ et j’en suis sortie à 6h. Je ne voulais pas croire en sortant qu’il était si tard. Je n’avais pas d’heure, avec ça maintenant il fait grand jour à 6h, ça trompe beaucoup.

Moi qui avait l’intention d’aller chez Mme Bouchet en sortant, j’ai eu juste le temps de rentrer. Cette petite séance de cinéma m’avait donné hier soir un profond cafard. Je trouvais en sortant que je ne m’étais pas amusée comme les autres fois. Je me trouvais encore plus seule ! Ce matin, ça va mieux. Pourvu que cela ne me reprenne pas tantôt.

Tu me demandes petit Loul si j’ai fait penser à Pierre  à prendre tes plaques. Oui, mais figure-toi que Pierre m’a réclamé 2 plaques et je n’en avais qu’une. Je ne me souviens pas du tout en avoir vu deux. Dis-moi petit Loul où se trouve la seconde ?

Tant qu’à Colombes ! Ça suit son cours ! M. de la Granville en a parlé au conseil d’administration qui a envoyé un architecte de la société visiter l’usine avec Papa. L’usine lui a plu. Maintenant je n’en sais pas plus long. Le directeur des meubles ici a été mis à la porte. Papa a été sollicité pour prendre sa place, mais il ne veut rien savoir et préfère s’occuper des hélices. Papa prétend que cette affaire sera très longue ! Alors attendons !

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je te quitte petit Loul chéri en t’envoyant les plus tendres baisers de ta petite gosse qui pense bien à toi,

Mino