Le 20 Février 1919

Petit Loul Aimé,

Hier, je ne t’ai pas écrit, car j’ai été déjeuner chez ta tante. Quelle n’a pas été ma stupéfaction en trouvant le soir à mon retour le télégramme ci-joint. Quelle déveine ! Toi qui étais parti du matin-même, j’ai ragé toute la soirée ! Et il y avait de quoi ! Le soir, Pierre est revenu du Bourget et pour me consoler, il m’a dit que le camarade qui t’envoyait ce télégramme ne s’en faisait pas, aussi qu’il était préférable pour toi d’être parti. Ça n’empêche pas que j’aie bien ragé.

Enfin, j’espère malgré tout que tu as fait un bon voyage ! Pour me consoler, je me dis que tu pourras peut-être revenir avant le déménagement, ou peut-être vous ne déménagerez pas du tout. Qui sait ? ça change si souvent.

Pierre est très content de son nouveau poste. Il pourra venir dîner tous les soirs et coucher à la maison. Il s’en ira tous les matins en bicyclette. Malheureusement on lui avait dit que la période du Bourget était de 3 mois et elle n’est en réalité que de 3 semaines, ce qui fait une grande différence.

Hier soir, nous avons joué au poker jusqu’à 11h¼. Tantante avait donné des billets à Maman et à Suzanne pour aller à la Gaité. Elle devait y aller avec ton oncle, mais dans la journée, il lui a pris un mal de reins épouvantable. Ça fait que c’est Maman et Suzanne qui y ont été à leur place. Pendant ce temps-là, nous avons joué, Papa Pierre et moi une partie acharnée. Je n’ai pas perdu, ni gagné. J’étais juste à jeu.

Aujourd’hui, je vais déjeuner à la maison, aussi je te quitte bien vite pour m’apprêter.

En espérant que tu as fait un bon voyage et que tu es en bonne santé, je te quitte mon chéri Adoré en t’envoyant une foule de bien douces câlineries de ta petite gosse qui avait le coeur bien gros hier soir,

Mino