Une situation pour après la guerre

Le 18 Novembre 1918

Petit Loul chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 14. J’ai bien ri à la pensée que mon petit Loul faisait des meubles. Voilà une situation toute trouvée pour ton retour. Ton père qui t’en cherche une en ce moment n’aura pas beaucoup de mal !!! Il me demandait justement ces jours derniers ce que tu comptais faire. Je lui ai dit que tu n’en savais rien, que tu n’avais pas encore fait ton choix. Nous en parlerons sérieusement à ta prochaine permission.

J’ai bien ri à midi. Ton père a demandé à ta tante Marie si elle ne pourrait pas te faire rentrer à la Compagnie de l’Est comme ingénieur. Le plus drôle, c’est qu’il faut faire un stage de 15 jours sur une locomotive comme mécanicien. Aussi, je ne vois pas du tout, mais pas du tout mon petit coco joli habillé en vieux sale mécanicien tout noir de fumée. Cela m’a fait rire ! Je ne me vois pas du tout non plus allant te porter ton déjeuner dans une petite gamelle avec une bouteille dans un bras. Tu vois d’ici le tableau ! Dis mon Loul ? Ça serait plutôt drôle ! Nous serions touchés comme ça !!!

Je t’écris en compagnie de Toto. Il ne me quitte plus d’une semelle. Il est couché devant le radiateur et a l’air très heureux. Hier soir, je m’apprêtais à me mettre au lit, j’avais fait ma couverture et j’étais en train de me décoiffer. Quelle n’a pas été ma stupéfaction en me retournant de voir Toto couché sur mon couvre-pieds. Il ne s’en fait plus ! Il a fait une vie pour s’en aller ! Il n’était pas content du tout.

La_fête_de_la_délivrance_[...]Agence_de_btv1b9031326qHier tantôt, je n’ai rien vu de la manifestation. Marie-Louise n’était pas chez la dame où elle prend pension. Sa mère étant de retour à Paris, elle était chez elle. J’ai été chez elle, je ne l’ai pas trouvée. Comme il était trop tard pour aller voir, je suis restée avec sa mère, en l’attendant. Elle est rentrée à 6h¼. Je ne suis restée que quelques minutes avec elle et je me suis sauvée. Elle a fêté joyeusement l’armistice. Il parait qu’elle était paffe ! Elle n’était pas toute seule, elle au moins !!! Elle avait l’enseigne ! Tandis que moi, pas de petit Loul ! Pas de cerise, pas de popommes ! Hélas !!!…

Enfin, pour mon petit Noël, je me rattraperai, n’est-ce pas, mon tout petiot !!!

Je te quitte petit chéri pour aller bien vite mettre ma lettre à la poste. Comme c’est Lundi, je me dépêche avant qu’il arrive quelqu’un.

En espérant que tu te portes toujours bien, je t’envoie mon chéri Adoré une foule de bien doux baisers et de bien tendres caresses.

Ta petite gosse qui t’aime follement,

Mino

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