Vivement que ça finisse

Le 7 Octobre 1918

Petit Lou que j’aime,

Je n’ai rien reçu de toi hier. Ce matin non plus, j’espère que ce soir je serai plus favorisée et que j’aurai 2 mignonnes lettres. Aujourd’hui Lundi, nous restons là, aussi j’aurai peut-être la chance d’avoir des nouvelles plus tôt.

Ce matin, j’ai été pour ta vareuse. Elle n’était pas prête. Je crois qu’ils se moquent un peu de nous là-dedans. Le bonhomme m’a dit : “Revenez à la fin de l’autre semaine, vous l’aurez surement.” Il prétend qu’il manque toujours d’ouvrières. Pourtant la grève est terminée depuis longtemps. Je n’y retournerai que Lundi prochain lorsque j’aurai les ailes. Ça sera peut-être encore trop tôt. Heureusement que ce n’est pas loin d’ici.

A midi, ta Maman a reçu une lettre de ta tante Jeanne. Ton oncle a la grippe et il est couché. Il parait que l-bas, ça sévit fort. Maintenant, il va mieux. Ta tante a très peur. Elle n’a pas de chance décidément. A Paris les gothas, à Commantry, la grippe espagnole !

Hier soir, nous avons eu le Capitaine  à dîner. Loulou  était venue aussi. Je ne sais pas ce qu’elle avait hier, elle était remontée, elle n’a dit que des bêtises. Nous en étions malades.

C’est décidé, après la guerre, le Capitaine se marie avec elle. Ça lui fera une femme en France et une au Canada. Il ne veut pas qu’on l’appelle capitaine, mais seulement par son prénom, il trouve que cela est plus amical. Alors on l’appelle M. Sam (diminutif de Samuel ). Ton père l’appelle Sam tout court. C’est très amusant. Nous avons fait un peu de musique après le dîner. Il chante tellement fort que le petit de Jeanne se bouchait les oreilles !!! Nous nous sommes couchés très tard, 11h½, aussi j’avais très sommeil. Loulou est restée coucher avec Suzanne. Elles se sont battues toute la nuit avec les moustiques. Ce matin, elles sont couvertes de piqures. Les miennes vont un peu mieux. Ils nous en veulent ces sales moustiques.

Jeanne a toujours très mal à ses dents. Ce sont des névralgies et cela la fait beaucoup souffrir. Elle ne peut pas dormir la nuit. En ce moment, elle est couchée.

Moi j’ai aujourd’hui très mal à la tête. Plus mal qu’il y a Lundi 15 jours ! Et je n’ai pas mon petit Coco près de moi comme la dernière fois ! Mauvais chance !

Petit chéri, voici un mois aujourd’hui que nous sommes mariés. Comme nous avons été peu de temps ensemble durant ce premier mois de notre union. Dix-huit jours sur trente, c’est bien peu ! Je trouve qu’il y a plus de 12 jours que je t’ai quitté. Cela me parait un siècle et j’ai grande hâte de te revoir. Si seulement cette maudite guerre se terminait vite, on ne se quitterait plus jamais. On en parle beaucoup en ce moment, mais malheureusement, ce n’est pas encore la fin. Malgré tout, ça ne durera plus bien longtemps à présent. N’est-ce pas mon Coco joli ? Vivement que ça finisse et qu’on me rende mon petit chéri !!!

Tes parents m’ont chargé de bien t’embrasser.

En espérant que tu te portes toujours bien et que tu n’es pas trop fatigué, je te quitte mon Loul Adoré en t’envoyant les plus tendres caresses et les plus doux baisers de ta petite gosse qui te désire toujours bien ardemment,

Mino

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