Décidément, je plais aux gosses

Le 2 Octobre 1918

Mon petit Loul Chéri,

Je n’ai pas de chance. Hier, je n’ai rien reçu de toi. Ce matin non plus. Ça fait que je m’ennuie beaucoup. Hier soir, j’avais un gros cafard en me couchant, et j’ai très mal dormi. Je me sentais encore plus seule, n’ayant pas de nouvelles de toi. Enfin, j’espère être plus heureuse ce soir et avoir 2 mignonnes lettres au lieu d’une.

Jeanne Randier est arrivée hier soir à 9h avec son petit. Ton père avait été la chercher avec Suzanne avec la camionnette. Nous sommes déjà très amie ensemble et je suis tout à fait camarade avec son petit. Il ne me quitte plus. Suzanne lui a donné une petite voiturette du grenier, aussi il est à la joie.

Depuis ce matin, il est dans notre chambre et ne veut plus me quitter. Il a fallu que je le traine dans sa voiture. Après, j’ai été forcée de le mettre dehors pour m’habiller. Ce polisson voulait rester là. Il est très drôle. En ce moment, je ne peux même pas écrire tant il me fait des misères. Il m’a chipé mon chapeau et se promène avec. Après, il m’a pris ma peau de polissoir et l’a mise dans le caniveau. Ensuite, il m’a fait des dessins sur mon enveloppe avec un crayon. Quel démon. J’ai été obligée de l’envoyer dans la chambre de Suzanne après lui avoir promis que je l’appellerai aussitôt que j’aurai fini. Décidément, je plais aux gosses, chaque fois que j’en ai près de moi, c’est après moi qu’ils en ont.

Marie-Louise vient de me téléphoner pour me donner rendez-vous à 2h½ derrière l’Opéra. Il faut que je me dépêche si je ne veux pas être en retard.

Hier soir, les lettres de faire-part n’étaient pas prêtes. J’ai été obligée d’y retourner ce matin. Avant, j’ai téléphoné pour savoir si elles étaient bien prêtes. Je les ai, elles sont très bien. Nous les enverrons ce soir.

Voilà encore le démon. Je te quitte mon chéri Aimé pour m’habiller.

En espérant avoir de tes nouvelles à mon retour, je t’envoie mon Coco joli une foule de caresses de ta gosse qui s’ennuie beaucoup sans toi,

Mino

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