Nous avons cochonné

Le 13 Août 1918

Mon tout petiot Aimé,

J’ai reçu hier soir tes deux mignonnes lettres du 9 et 10. Je vois mon pauvre Loul qu’en ce moment, tu donnes beaucoup. Pauvre chéri qui se fatigue beaucoup pendant que moi je suis en vacances ! Ce n’est pas juste du tout. Je te remercie beaucoup pour les pommes de terre. Tu es un amour de Loul ! Surtout tu sais, repose-toi bien. Si tu as le temps de les apporter à maison, je n’en ai pas besoin avant mon retour. J’ai appris par Madame Sevette qui a reçu une lettre de la petite Berthe, que tu avais été Dimanche soir à Paris. J’espère que tu ne t’es pas trop ennuyé.

Il fait en ce moment une chaleur torride. Hier, nous avons cuit pour aller à Bellêmes. J’ai déjà les mains toutes noires. Notre promenade s’est bien passée. Mais Dieu qu’il faisait chaud ! Avec ça, des côtes comme tu t’en doutes ! Ma bicyclette marche bien à présent. Monsieur Sevette me l’avait arrangé avant de partir. Le frein fonctionne très bien. Quoique ça, je n’en suis plus très folle. Et je ne suis jamais la première à projeter des promenades. Nous avons fait hier 50km. Je m’en suis assez bien tirée. Ma jambe et mon bras me faisaient bien un peu mal, mais c’était supportable. Le bras commence à se guérir, et la jambe devient toute bleue. Ça ne sera plus que l’affaire de quelques jours.

Aujourd’hui, nous devons aller dans un bois sur la route d’Alençon.

L’appétit marche toujours bien. Je mange autant que l’année dernière. Mme Magne est toujours enragée pour la pêche aux écrevisses. Hier soir, elle est rentrée à 10h. Le produit de sa pêche est destiné à son mari. Aujourd’hui, nous avons cochonné. Nous avions à déjeuner : du saucisson, des saucisses aux choux et de l’andouillette. Tu vois d’ici si nous allons avoir soif cette après-midi.

Je ne t’écris que tantôt car ce matin, je me suis levée assez tard. Je me suis reposée de toutes mes émotions.

Demain, c’est jour de marché. Comme Yvonne est libre, nous ferons une grande promenade à bécane. Ce qui ne me réjouit pas du tout. Je deviens très flemme ici.

Je me demande comment mon père  aura pris ma lettre. J’attends avec impatience de ses nouvelles pour savoir ce qu’il pense. Pourvu qu’il ne vienne pas malgré tout. Cela ferait riche.

Tout le monde va bien ici. Tes parents m’ont chargée de bien t’embrasser, ainsi que Suzanne, Loulou et Yvonne. Mme et M. Lemonnier, Mme Magne et la famille Bois te souhaitent le bonjour.

J’ai vu Madame Fleuriel  le lendemain de mon arrivée, mais je ne suis pas retournée la voir depuis. Je n’ai pas eu le temps.

Je te quitte pour partir au fameux bois sur la route d’Alençon.

En espérant que tu n’es plus trop fatigué et que tu ne t’ennuies pas de trop, je t’envoie mon mignon Loul chéri, une foule de tendresses de ta petite gosse à qui tu manques beaucoup,

Mino

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