Le “Cahouchou” de Nounou

Le 18 Juillet 1918

Mon petit gosse de gosse chéri,

J’ai reçu hier soir ta mignonne lettre du 15. J’ai été gâtée, juste deux jours à me parvenir.

Je vois mon pauvre tout petiot que tu donnes beaucoup en ce moment. Et je comprends combien tu dois être fatigué ! Je savais bien que tu devais être en pleine offensive. Dans les journaux, on parle beaucoup des avions de bombardement qui ont rendu de grands services malgré les conditions atmosphériques défavorables. Vivement que cette offensive se termine ! Car je suis bien inquiète.

Comme je voudrais te savoir à Villacoublay en ce moment. Je trouve ces démarches vraiment longues et j’ai bien peur que ça n’aboutisse à rien. Avant-hier, j’ai demandé à ton père s’il avait des nouvelles à ce sujet. Il m’a dit qu’il avait revu le lieutenant. Maintenant, qu’il ne fallait pas se faire d’illusions, ça serait très long. J’aimerai mieux qu’il lui dise que ça ne réussira pas que de nous laisser ainsi dans l’incertitude. Il doit savoir si oui ou non il peut faire quelque chose !

Tes parents ont dû partir hier. En allant à la poste, j’ai été dire un petit bonjour à Loulou. Elle n’avait pas revu Suzanne. C’est qu’ils sont partis. J’ai vu Toto, qui n’est pas dépaysé du tout chez Madame Schwab. Au contraire, il est beaucoup plus aimable que chez toi. Il se laisse caresser et ne se sauve pas.

caouchou

En plus de ce pensionnaire, Madame Schwab a le “cahouchou” de Nounou. C’est comme ça qu’elle appelle la plante du salon. Loulou m’a raconté le déménagement de Toto et des plantes dans la camionnette. Ça devait être tordant. Nounou était assise dans la caisse du camion et elle tenait son “cahouchou” sur ses genoux. Les autres plantes étaient à côté d’elle. Monsieur Sevette et Suzanne étaient devant. Suzanne tenait Toto dans un panier bien ficelé car on craignait qu’il se sauve. Tu vois d’ici ce tableau !

Le plus malheureux, c’est qu’ils sont passés devant la maison et que je ne les ai pas vu. Il était 20h. Habituellement, je suis toujours à la fenêtre à cette heure-là. C’est pas de chance, j’aurais bien ri.

Je vais toujours à peu près pareil. C’est à dire ni bien, ni mal.

Je suis absolument comme l’année dernière. Avec la seule différence que cette année, je me soigne. Je crois que le temps y est pour beaucoup. Il fait si chaud que tout le monde en est incommodé. Enfin, dans une quinzaine de jours, je vais respirer le grand air. Et cela me fera beaucoup de bien. Il n’y a que ça pour me retaper.

Tantôt, je vais au jardin des Plantes avec Madame Schwab et Loulou. Hier, elles m’ont dit de bien t’embrasser.

En espérant que tu es toujours en bonne santé et moins surmené, je te quitte mon petit Loul, que j’adore en t’envoyant une corbeille de bien douces cerises de ta petite gosse qui compte les jours avec impatience pour se blottir dans tes bras,

Mino

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