Une vraie folle !

Le 27 Juin 1918

Mon petit Loul chéri,

Aujourd’hui, rien de toi. Encore un tour que me joue la poste. Demain, j’en aurai certainement deux.

Hier, n’osant pas parler à Madame Sevette, je me suis confiée à Madame Sevette, je me suis confiée à Suzanne. Elle a été très gentille et m’a dit que Monsieur Sevette ne nous refuserait certainement pas. Qu’elle comprenait très bien que la guerre était trop longue et que lui-même le comprendrait très bien. Que tu pouvais sans crainte lui demander, mais qu’il ne fallait pas que ça soit moi, que ce n’était pas ma place.

Comme j’ai bien fait de m’ouvrir à Suzanne, avant d’en parler à Madame Sevette. Moi, je suis comme Suzanne, je trouve que ce n’est pas à moi à aller demander à Monsieur Sevette. C’est beaucoup plus naturel que ça soit toi. D’ailleurs, Suzanne m’a promis de t’écrire aujourd’hui pour te dire ce qu’elle en pensait. Elle m’a dit : “Ne vous inquiétez pas, je vais arranger ça. Vous pouvez être sûre que ça réussira.”

Tu penses mon Loul si je suis contente, une vraie folle ! Elle m’a dit aussi que tu aurais pu le demander plus tôt, que Monsieur n’aurait pas refusé. Quel bonheur ! Comme je voudrais être quelques jours plus vieille pour savoir définitivement. J’espère mon Loul chéri, qu’aussitôt la lettre de Suzanne reçue, tu écriras pour le demander. Suzanne me disait hier : “Lucien est un petit serin (je lui pardonne ce nom d’oiseau, car vraiment elle a été chic), il aurait dû se confier à moi. Je lui aurais dit qu’il pouvait demander à Papa. J’ai souvent entendu causer à la maison, et jamais on ne s’est montré contraire à cette idée.” Tant mieux.

Comme je suis contente mon Loul chéri, je voudrais que tu sois près de moi, pour te dire ma joie. Je suis comme une vraie gosse, à laquelle on promet un beau joujou………. et qu’on finit tout de même par lui donner. Je suis folle !!!  Ce matin, je dansais toute seule dans ma chambre, tant j’étais heureuse.

Je revois Suzanne tantôt, nous allons tous aux Champs-Elysées. Je vais encore la questionner.

Je te quitte mon mignon Loul chéri, voici midi et je ne suis pas lavée. Je n’ai rien fait de la matinée. Quelle enfant terrible je fais. C’est la joie qui me vaut ça.

En espérant que tu es en bonne santé, je te quitte mon Loul adoré en t’envoyant une foule de bien douces câlineries de ta petite gosse qui t’aime à la folie,

Mino

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