Il ne faut pas t’ennuyer

Le 21 Juin 1918

Mon petit Loul chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 19 et je suis très inquiète de te savoir souffrant. J’espère que cette indisposition a été de courte durée et qu’à présent, tu vas tout à fait bien. Mon Loul malade ! Ça n’irait plus du tout ! J’attends avec impatience le courrier de demain pour savoir comment ça va. J’espère que ta mignonne lettre me rassurera tout à fait. Si une partie de ton escadrille est malade aussi, peut-être avez-vous mangé quelque chose de mauvais ? Surtout mon petit Loul, soigne-toi bien et repose-toi bien. Reste couché le plus tard possible le matin. Cela te fera du bien. Surtout, il ne faut pas t’ennuyer !

J’ai su par Suzanne, qui est venue avec Loulou me voir hier soir, que Pierre  avait écrit chez toi que tu t’ennuyais beaucoup. Il ne faut pas mon petit Loul. Je sais bien que ne faisant rien du tout, l’ennui te gagne facilement, mais il faut penser que de mon côté, je suis très contente de te savoir un peu tranquille. Aussi, il ne faut pas te presser à t’entraîner. C’est toujours ça de gagné. N’est-ce pas mon tout petiot ? Tu ne t’ennuieras presque plus pour faire plaisir à ta gosse ???

Ecoute mon Loul, je vais m’informer des heures des trains à la Gare du Nord. Si c’est commode pour moi, je profiterai que tu es tout près de Paris pour aller te dire un petit bonjour et cueillir quelques cerises.

Pour le sauf-conduit, il parait que c’est assez commode à obtenir, mais pour cela, il faut être une jeune fille. On n’en donne pas aux femmes mariées, parait-il. Je connais une dame qui va voir son mari aux environs de Beauvais. J’avais déjà pensé aller te voir, mais je croyais cela tout-à-fait impossible. Enfin, je ne suis pas certaine de réussir, mais je vais toujours essayer. Aussi, mon gosse de gosse chéri, il ne faut plus t’ennuyer. Dis-moi ce que tu en penses d’abord. Je n’irai pas sans savoir si cela te convient et ne t’attirera pas d’ennuis.

En espérant que ma lettre te trouvera en tout-à-fait bonne santé, je t’envoie mon Loul que j’aime, des millions de bien doux baisers de ta petite gosse qui pense sans cesse à toi,

Mino

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