Le 12 Juin 1918

Mon petit Loul chéri,

Je rentre à l’instant de l’enterrement de ta pauvre grand’mère. Je suis complètement désolée car j’espérais bien t’y voir. Jusqu’au dernier moment, j’avais le ferme espoir de te voir arriver. Hélas, c’est fini et tu n’es pas venu. Cela me fait encore plus de chagrin. Je sais bien que mon télégramme n’a pas pu te parvenir, mais j’avais dans la tête que tu viendrais. C’était une idée fixe. Tout le monde chez toi m’avait dit de ne pas y compter, que c’était tout à fait impossible, eh bien j’espérais tout de même. C’est tant pis pour moi. Voilà ce que c’est que d’être entêtée.

En plus de ça, pas de mignonne lettre de toi hier au soir, pas ce matin. Heureusement Monsieur Sevette m’a dit qu’il avait reçu une lettre, je ne sais pas si elle était de toi ou de Pierre, disant que vous aviez déménagé et que vous étiez retournés où vous étiez avant.

Je me demande ce que mon Loul doit faire en ce moment. Et comment s’est arrangé la petite histoire au sujet de l’appareil. Cela m’inquiète beaucoup ! Comme je voudrais vieillir !

Maintenant je regrette beaucoup de t’avoir envoyé un télégramme. Les quelques mots qu’il contenait t’apprendront trop brusquement la mauvaise nouvelle, et cela te fera encore plus de peine. Aussi tu sais mon Loul, je m’en veux beaucoup. En ce moment, je suis très mécontente après moi. En plus de ça, hier j’était tellement pressée que j’ai complètement oublié de te parler du bas de soie.

Pauvre Loul ! Ça ne m’étonne plus si tu as tant de malheur depuis quelques temps. Il fallait me le dire tout de suite, je t’en aurais envoyé un autre. Je ne l’ai pas encore fait, espérant te voir aujourd’hui. Comme je me suis trompée, je vais me dépêcher d’aller en acheter une paire. Car tous ceux que j’ai sont plutôt raccommodés et comme ils viennent de Marie-Louise, ça n’aurait plus la même valeur. J’en ai bien une paire de tout neufs. Je les ai mis ce matin. Mais voilà, ils sont un peu juste pour enfiler la tête. J’ai essayé d’en mettre un. C’est tout à fait impossible. Ça ne se prête pas. Alors j’en prendrai d’autres et je ne pourrais pas te les envoyer avant demain.

J’ai vu Marcel tout à l’heure. Mais je n’ai pas eu le temps de lui causer. D’ailleurs, il est parti après l’église.

Sur ce mon petit Loul, je te quitte pour aller mettre bien vite ma lettre à la poste.

En espérant que tu es toujours en bonne santé et que tu ne t’ennuies pas de trop, je t’envoie mon Loul chéri de bien doux baisers de ta gosse qui est bien mécontente d’elle,

Mino