On ne voyage pas comme l’on veut

Le 5 Juin 1918

Mont petit Loul Aimé,

J’ai reçu hier soir ta mignonne lettre du 2. Aussi j’étais très contente car c’était des nouvelles presque fraîches. Pour être venu par trésor et poste, cela n’a pas mis beaucoup de temps. J’espère que maintenant, vous êtes mieux installés et que les déménagements ont pris fin. Le front a l’air de se stabiliser. Si tu as eu les journaux, c’est déjà un petit progrès. Mais il serait préférable que tu reçoives des lettres. N’est-ce pas mon Loul chéri ?

En ce moment, je suis très occupée, j’ai pas mal d’ouvrage, par les préparatifs de départ. Hier soir, je vais voir ma bicyclette en bas, impossible de la regonfler. Monsieur Dumortier qui venait d’arranger la sienne me propose de me donner un coup de main. Heureusement ! Il s’est aperçu que mon pneu arrière était crevé. Ça fait qu’il ma proposé de me le réparer. J’ai accepté avec plaisir car je me trouvais bien en peine, ne sachant pas du tout réparer.

Comme il était trop tard pour l’arranger hier soir, vu que maintenant tout le monde se couche à 9h en prévision des gothas, il me l’a réparé tout à l’heure, pendant son heure de déjeuner. Ce pauvre homme est vraiment trop aimable. Je suis confuse de lui avoir donné tout ce mal, surtout de l’avoir précipité dans son déjeuner. Je croyais qu’il ne me l’aurait arrangé que ce soir.

Maintenant, j’ai une partie de mon matériel à remplacer. On m’a presque tout pris lors du dernier voyage du Mesle. Plus de pompe, plus de timbre, et mon filet arraché. Ça fait que tantôt, je vais aller acheter tout ça au bazar.

filet jupe - 1 seul

Je ne sais toujours pas quand nous partons. Je voudrais bien que ça soit le 11 car j’ai beaucoup à faire avec ça, on ne voyage pas comme l’on veut, il va falloir que j’aille à la gare Montparnasse retenir des places à l’avance. Je n’ai toujours pas de réponse de Madame Fleuriel.

Cette nuit pas de gothas. Cela nous a semblé bon, à moi surtout qui n’ai pas été obligée de quitter mon lit. Hier, Bertha a continué à aboyer. C’est tombé dans une crèche, près du bureau de mon père. Décidément, ils choisissent mal leurs points de chute.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, et moins fatigué, je te quitte mon petit Loul en t’envoyant les plus douces cerises de ta petite gosse qui t’adore,

Mino

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