Les nouvelles me manquent tant

Le 3 Juin 1918

Mon petit Loul chéri,

Ce matin, j’ai reçu deux mignonnes lettres de toi du 30 et 31. Tu penses, mon chéri, si j’étais contente ! Les nouvelles me manquent tant en ce moment. Comme j’en ai de la chance à côté de toi, qui ne reçoit rien du tout comme nouvelles. Je me doutais que vous n’aviez plus de secteur, aussi depuis hier, j’adresse mes lettres par B.C.M. Comme je voudrais qu’elles te parviennent ! Tu dois avoir tant besoin d’un petit mot de ta petite gosse en ce moment. N’est-ce pas mon tout petiot ? Si tu savais comme elle pense à toi et comme elle est sage !

Bien que je te sache très exposé, je suis très courageuse et ne fait pas le bébé, j’ai toujours grande confiance en notre étoile, qui t’a déjà beaucoup de fois protégé ! Aussi, je reste très sage.

Ta lettre du 30 que tu avais donné à mettre à Paris a été mise dans l’Aube, aussi c’est pour cela qu’elle a mis plus de temps. Dans celle du 31, tu me dis que ton coucou ne gaze pas. Je m’en doutais. Encore, s’il ne gaze pas qu’au départ, cela va tout seul, mais s’il te laisse en panne en l’aire, cela n’a rien de drôle. Et c’est surtout ça qui m’inquiète. Heureusement que Pierre  est là !

Je me demande si vous êtes ravitaillés. Dans les coups durs comme ça, ça doit laisser à désirer. Et comment êtes-vous installés ? Sans doute mal et vous devez coucher, quand vous le pouvez, sous la tente ! Comme tu dois être fatigué, mon pauvre Loul chéri ! Vivement la fin de tout ça, que tu puisses venir goûter un repos bien gagné auprès de ta sale gosse ! Malheureusement, je crois que ce n’est pas encore pour tout de suite !

Mon petit Loul chéri, figure-toi que je suis bien ennuyée, mon père a toujours l’intention d’aller en vacances. Depuis ces évènements encore plus qu’avant. J’espérai qu’après un coup pareil on resterait là, eh bien non. Comme je le pensais pour Royan, ça n’a pas réussi. Aussi maintenant, c’est au Mesle que nous irons et j’en suis désolée. Les nouvelles de mon Loul me manqueront encore plus là-bas. J’ai bien manifesté le désir de rester, mais il ne veut rien savoir. Je me vois donc obligée d’y aller. Je viens d’écrire à Madame Fleuriel, aussitôt sa réponse, nous partirons. Je ne crois pas que ça sera avant le 11. Enfin, écris-moi toujours ici. Je te fixerai la date de mon départ dans quelques jours. De toutes façons, la concierge fera suivre les lettres.

Tu ne peux t’imaginer mon Loul le chagrin que ça me fait de quitter Paris. Enfin, cela n’est que pour 15 jours. Voici comment on s’est arrangé : je descends chez Mme Fleuriel, mon père y prend ses repas et ira coucher à l’hôtel. C’est nous qui avons combiné ça, maintenant, il faut savoir ce que pense Madame Fleuriel. Tantôt, je vais chez toi. J’espère y trouver ta grand’mère tout à fait remise. Avant hier, ça allait déjà beaucoup mieux.

En espérant que tu es toujours en bonne santé ainsi que Pierre, je t’envoie mon petit Loul que j’aime les plus doux baisers et les plus tendres câlineries de ta gosse qui pense sans cesse à toi,

Mino

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