Elle s’en rappellera longtemps

Le 30 Mai 1918

Mon petit Loul chéri,

Pas de mignonne lettre de toi ce matin. Cela n’a rien d’étonnant. Demain, j’en recevrai trois, puisque c’est la nouvelle mode de m’apporter tes lettres que tous les 3 jours. Je n’en suis pas plus fière pour ça, mais comme je n’y puis rien, je n’ai rien à dire.

J’espère malgré tout que tu es toujours en bonne santé et toujours au même endroit. J’espère aussi que toi, tu reçois mes lettres régulièrement.

Cette nuit, nouvelle alerte. Nous avons passé 1h½ dans la cave. Les tirs de barrage ont pas mal donné, mais il n’y a rien eu à Paris. Les bombes ont été jetées en banlieue. Ce matin, Bertha ne nous a réveillé qu’à 7h. On a pas à se plaindre !

J’ai su hier chez ta tante qu’un obus était tombé tout près de chez toi, sur le boulevard, sur un petit hôtel, presque à l’endroit où sont tombées les bombes des zeppelins. Madame Schwab qui sortait de chez toi voir ta grand’mère se trouvait juste sur le boulevard au moment qu’il a éclaté. Aussi, elle a très bien vu. Je crois qu’elle s’en rappellera longtemps. De votre toit, il parait que l’on voit très bien par où l’obus est entré. A part ça, rien de nouveau.

pp30-05-18

En attendant impatiemment le courrier de demain, qui j’espère m’apportera de tes nouvelles, je te quitte mon petit Loul Aimé en t’envoyant une foule de bien douces cerises de ta petite gosse qui pense bien à toi,

Mino

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