Deux alertes dans la nuit

Le 23 Mai 1918

Mon tout petiot chéri,

Cette nuit, nous avons eu encore deux alertes. J’étais couchée et je dormais depuis à peu près ½ heure lorsque mon père est venu me réveiller afin de me prévenir de l’alerte. Ma foi, je n’avais rien entendu du tout et je crois que s’il ne m’avait pas réveillée, j’aurais continué de dormir. J’étais tellement fatiguée de l’autre nuit, qu’aussitôt couchée, j’ai dormi comme un plomb. Il était 11h½ lorsque je suis descendue. A minuit ¼, on sonnait la berloque. Je me recouche et ne pouvais plus m’endormir. Enfin, au bout d’une demi-heure, j’arrive à dormir. Eh bien oui, pas pour longtemps, ½h après, mon père me re-cogne à la porte. J’étais furieuse. J’avais pourtant dit que je ne voulais plus descendre à la cave. Il n’y a rien à faire, toutes les fois, c’est à recommencer. Hier, j’ai même manqué de me faire disputer parce que j’étais trop longue à m’apprêter et que je regardais par la fenêtre. Cette alerte-là a été plus sérieuse que la 1ère. Nous sommes restés à la cave jusqu’à 4h¼. Tu vois d’ici, divertissement !!!

pp 23-05-18

Il faisait petit jour lorsque je me suis recouchée. Je me suis réveillée à 7h, aussi, je n’ai pas trouvé mon compte de sommeil et ce matin, je suis vannée ! Pour me remettre, pas de nouvelles de toi. Je descends à 8h voir si le facteur était passé, eh bien j’en ai été pour mes frais, la pipelette dormait. Je redescends au bout d’une demi-heure. Elle était toujours couchée. Alors j’ai cogné et lui ai demandé s’il y avait quelque chose pour moi. De son air le plus désagréable, elle m’a répondu que non ! A dix heures, rien non plus, aussi je suis toute triste.

J’espère que tu es toujours en bonne santé et que ce retard est dû à la poste.

J’ai vu un cheval pie avant hier. Est-ce des fois que tu viendrais ? Je ne le crois pas, ça serait trop beau. De plus, j’ai trouvé une araignée. Alors araignée du matin, chagrin. Mon Loul ne viendra certainement pas.

Pour me réveiller et me changer un peu les idées, tantôt, je vais aller me promener. Je ne me sens pas le courage de rester seule toute l’après-midi. Je vais aller faire un tour aux Galeries.

En attendant impatiemment de tes nouvelles et en espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon petit Coco Aimé, les plus douces câlineries de ta gosse qui t’aime bien tendrement,

Mino

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