Comme cela doit être bon !

Le 12 Mai 1918

Mon petit Loul chéri,

Aujourd’hui Dimanche, je n’ai rien reçu de toi. Cela ne m’étonne pas, c’est une habitude de la poste. Avant que tu ne viennes en permission, c’était comme ça. Enfin, j’espère bien que demain, j’en aurai deux pour me dédommager.

Quelle triste Dimanche à côté du dernier ! Je suis là, toute seule, à ne pas savoir quoi faire pour passer mon temps, tandis que Dimanche dernier, j’étais avec toi. Je me rappelle que le soir, lorsque nous sommes revenus dans le train, j’étais toute heureuse de me sentir près de toi et j’oubliais un peu que c’était la guerre et qu’il faudrait encore bien vite te quitter ! Il me semblait un peu que nous étions tous les deux et que nous rentrions de la campagne, après une bonne journée. Comme je m’habituerais vite à ce genre de vie, rien que tous les deux ! Pouvoir faire ce que bon nous semble et jamais se séparer (même pas pour aller deux mois au bord de la mer). Comme cela doit être bon !!! Dis mon Loul chéri ??? Et comme j’ai hâte d’être toujours près de toi !!! Cela me serait égal de vieillir tout d’un coup de cinq ans, afin d’être toujours avec toi. Malheureusement, cela n’y ferait rien, et il faut toujours attendre. Moi qui ne me plains pas, moi qui suis si patiente.

Tiens, tout à l’heure, j’avais le cafard. J’étais en train de regarder par la fenêtre, lorsque j’ai vu les deux veinards d’en face qui étaient en train de s’embrasser à leur fenêtre. Alors ne suis partie dans la cuisine pour ne plus les voir, car ils me donnaient trop le cafard ! Comme ils ont de la chance ces amoureux-là !!!

Il pleut à torrent, aussi je pense que tu as dû descendre à Beauvais. As-tu vu Blachè ? J’espère que oui, cela t’aura distrait un peu.

En espérant que ton rhume est guéri, je te quitte mon très chéri en t’envoyant les plus douces cerises de ta petite gosse qui t’aime tant,

Mino

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