Le 22 Avril 1918

Mon petit Loul que j’adore,

J’ai reçu ce matin deux mignonnes lettres de toi, celles du 19 et du 20. Moi qui craignais n’en recevoir qu’une, j’adresse mes excuses à la poste. Quoique ça, je lui en veux toujours de m’avoir perdu 2 lettres.

Je vois dans ta dernière lettre que ton appareil continue à faire des siennes, et cela m’ennuie beaucoup. Pense, petit Loul, comme je suis inquiète de te savoir ainsi à la merci d’une panne à chaque instant ! Comme je voudrais que l’on te change d’appareil et que l’on te redonne un Spad !

Bertha n’est toujours pas cassée. Mais elle a l’air d’être à l’agonie. Hier soir, à 7h, nous avons eu deux pauvres petits coups et ça a été tout. Plus elle va, moins elle tire.

Hier tantôt, j’ai été avec Germaine voir les dégâts faits  par les gothas rue de Rivoli. Ça n’est pas drôle du tout. Les pauvres gens qui étaient dans la maison qui a pris feu ont dû passer de bien tristes moments. Sur ce parcours de près d’un kilomètre, ce n’est que carreaux cassés, glaces brisées, persiennes arrachées. Ce quartier a bien été éprouvé. Nous avons été voir aussi à l’église St Gervais où est tombé un obus qui a fait tant de victimes. On voit très bien par où il est rentré de l’extérieur. Nous n’avons pu visiter intérieurement.

On dit qu’il ne reste plus personne à Paris, eh bien on ne s’en apercevait pas hier. Dans le métro non plus du reste. On est toujours aussi serrés. Lorsque les gens commençaient à s’en aller, on disait : “Chic ! on va avoir de la place dans le métro.” Eh bien c’est toujours pareil.

Marie-Louise m’a expliqué dans sa lettre qui était la personne qui m’a répondu au téléphone et pourquoi elle était là. C’est parait-il une amie d’Espierre a qui il avait donné rendez-vous pour aller au bois. Moi je ne demande pas mieux. Mais elle me semblait bien gaie.

Je vois que mon tout petiot est fort raisonnable de se coucher de bonne heure et je lui donne entièrement raison, vu qu’il doit se lever bien tôt, même bien trop tôt pour un tout petiot.

Tantôt, je vais chez toi, aussi je te quitte car il est 2h bien sonnées.

En espérant que tu te portes toujours bien, je t’envoie mon Aimé de bien douces tendresses de ta gosse qui pense à toi sans cesse,

Mino