C’est bien fait pour eux !

Le 5 Avril 1918

Mon petit Coco chéri,

Ce matin, à ma grande joie, nouvelle lettre. Je pense que maintenant, j’en aurai une tous les jours. C’était celle du 30 Avril. Où je vois que tu n’as pas encore déménagé.

A présent, mon père a l’air moins affolé, il parle moins de départ et j’espère bien que nous resterons là. Tu sais, petit Loul, c’était surtout de voir partir les autres que cela lui donnait envie d’en faire autant. Maintenant que tous les froussards sont partis, on ne voit plus personne avec malles et bagages. Aussi, ça l’a calmé un peu. En plus de ça, nous apprenons tous les jours, par des personnes qui sont parties, que la vie n’est pas tenable en province. Ils en profitent pour les écorcher, et cela en fait revenir beaucoup. Aussi, nous nous payons leur tête. Entre nous, c’est bien fait pour eux. Ils n’avaient qu’à rester.

Je suis contente que mon Loul me dise que mes lettres ne lui donnent pas le cafard. Tu vois, tout petiot, que lorsque je le veux, je ne suis pas une sale gosse ! Aussi, cela méritera bien un petit supplément de cerises à notre prochaine entrevue. Dis mon Loul ? Tu veux bien ??? Moi je suis sûre que vou-vou-oui !

Figure-toi que cette nuit, j’ai fait un vilain rêve. La guerre était terminée (ça, c’était pas moche du tout) et l’on t’avait enfermé dans une drôle de maison, où je ne pouvais pas te voir, aussi j’étais désolée. J’avais beau implorer et supplier tout le monde, tu restais toujours enfermé. Tu vois, ce n’étais pas drôle !!! Heureusement que ce n’était qu’un rêve.

Marie-Louise est venue déjeuner ce matin et est repartie aussitôt à sa répétition. Voilà que l‘Opéra ne ferme pas à présent. Les machinistes ne veulent pas de la tournée.

Cela ne lui plait plus du tout, surtout qu’on diminue les appointements, aussi elle préfère quitter, pour aller rejoindre sa mère.

Moi, tantôt, je vais chez Mme Schwab. Je ne m’en fais pas, il est 4h moins ¼. Ma petite Germaine, il faudrait voir à te dépêcher.

En espérant que mon gosse chéri est toujours en bonne santé, je termine en lui envoyant un grand panier de bien douces cerises de celle qui pense à lui sans cesse,

Mino

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