Le 24 Mars 1918

Mon petit Loul Aimé,

Nous voici encore en alerte depuis ce matin 7h. Cela fait la 4e depuis Vendredi soir. Comme tu as dû l’apprendre dans les journaux, c’est par le canon à longue portée que nous sommes bombardés à présent. Vraiment, c’est à ne pas y croire. Un canon qui tire à plus de 120km, c’est fantastique.

Nous avons eu la berloque hier à 4h de l’après-midi. A quoi cela sert-il franchement, puisque c’est un canon ? Le danger reste toujours. Ce n’est pas comme les avions, une fois partis, nous sommes en sécurité.

Hier à 20h20, nouvelle alerte. C’étaient des avions. Cela n’a duré qu’une heure et demi. Alors, le jour le canon, la nuit les avions. Décidément, ils nous en veulent. Ce matin, réveil en fanfare par une détonation. Comme de juste, je suis redescendue à la cave. Cela devient très chic. On a installé une cave pour les messieurs, c’est le fumoir, une autre pour les dames, c’est le salon. Si on n’avait pas froid, on serait très bien.

Moi, je m’ennuie moins à la cave. Je cause avec tout le monde et je n’ai pas mon père sur le dos, c’est beaucoup plus gai, à mon avis. Ça n’empêche pas qu’au bout d’une heure, je suis remontée pour déjeuner et pour faire ma toilette. Après, j’ai été faire quelques provisions. Pas loin : en face, au coin de la rue. On entend une détonation de temps en temps, plus ou moins rapprochée.

Ce qui m’ennuie le plus dans tout ça, c’est le manque de nouvelles. Hier soir, il y a eu un courrier. Malheureusement, il n’y avait rien pour moi. Aujourd’hui, il est 1h, le facteur n’est pas passé et ne passera certainement pas. Les lettres ne partent pas non plus. Hier, lorsque j’ai été à la poste, elle était fermée.

Enfin, j’espère que mon Loul est en bonne santé et qu’il ne se fait pas trop de mauvais sang.

Comme Dimanche, c’est réussi ! Il fait pourtant un temps superbe, comme il ferait bon d’aller se promener. Je pense que si la situation n’est pas changée lorsque tu viendras en permission, cela ne sera pas drôle !

Enfin, nous espérons tous que cette pièce sera bien vite repérée et que nous serons bientôt tranquilles. Voici près d’une heure qu’elle ne tire plus. Il est vrai qu’hier, cela a fait pareil et ça a repris coup sur coup.

En espérant que ma lettre te trouvera en bonne santé, je te quitte mon Loul pour faire un saut à la poste.

Reçois mon Aimé les plus tendres baisers de celle qui t’adore,

Mino