Explosion de la Courneuve (en direct)

Le 15 Mars 1918

Mon petit Loul Adoré,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 13. Rassure-toi, petit Loul, nous n’avons pas eu de visite des sales boches depuis que tu es parti. Cela viendra peut-être, mais pour le moment, nous sommes assez tranquille.

J’ai pu dormir tout mon comptant cette nuit, aussi ce matin cela va très bien.

Hier, j’ai passé une assez bonne après-midi au cinéma. C’était un peu triste, et ça parlait trop de la guerre.

Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec Marie-Louise derrière l’Opéra. J’espère qu’elle ne va pas me faire faire le poireau comme la dernière fois. Elle doit avoir certainement beaucoup de choses à me raconter. Je n’ai pas dit à mon père que je sortais tantôt. Maintenant, il ne vit plus lorsque je suis dehors. Hier soir, il m’a dit qu’à présent, on descendrait à la cave lorsqu’il y aurait une alerte. Cela ne me plait pas du tout. Pour plusieurs raisons. La première est

15-03-18

Mon petit chéri. Quelle émotion je viens d’avoir, j’ai bien cru que ma dernière heure était venue. Figure-toi que juste comme j’étais en train de t’écrire, une grande explosion est venue m’arrêter nette. J’étais avec la femme de ménage. Nous avons cru aussitôt que c’était les gothas. Nous avons été environnées d’un gros nuage et une forte odeur de poudre est venue nous saisir à la gorge. Nous nous sommes précipitées dans l’escalier et là, encore plus de fumée et une nouvelle détonation suivie d’une autre.

Comme la femme de ménage se sauvait, je lui ai crié : “Restez, fermons les persiennes.” Nous avons fermé et nous étions couvertes de poussière. Ma lettre que j’avais commencé est toute sale, je te la joins pour que tu vois dans quel état où elle est.

Tous renseignements pris, c’est une usine de munitions du quartier qui vient de sauter.

courneuve

Je t’assure, petit Loul, que ça a été terrible comme détonations. C’était beaucoup plus fort que les bombes des gothas. Jamais je n’ai entendu pareille chose. Enfin, le principal pour nous est qu’il ne m’est rien arrivé. Tout le monde est aux fenêtres et regarde l’énorme torche de fumée qui monte vers le ciel.

morts de peur

Mon rendez-vous avec Marie-Louise est dans l’eau. Il est 15h30. Ma foi, tant pis, je reste là. Ça m’a tout de même un peu retourné et je n’ai pas envie de sortir. Je pense qu’elle le comprendra et qu’elle ne m’en tiendra pas rigueur. D’ailleurs, elle a dû entendre aussi ! Je vais aller téléphoner chez toi, pour savoir s’il n’est rien tombé par là.

Reçois mon petit Loul, les plus tendres baisers de ta gosse qui t’adore,

Mino

PS : Demain, je te donnerai plus de détails. Je suis un peu en retard pour le courrier et je ne voudrais pas que tu te fasses du mauvais sang inutilement si tu apprends ça sur les journaux.

 

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