Le 11 Février 1918

Mon petit Loul Aimé,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 8. Mon pauvre petit Loul qui s’est mis dans une colère bleue ! J’aurais bien voulu être dans un petit coin pour voir ça, ça m’aurait certainement bien fait rire !!! C’est vrai que si tu m’avais aperçue, ça se serait sans doute passé comme par enchantement. Je t’aurais dit : “Qu’est-ce qu’il a, mon tout petit ?” Et bien vite, un beau petit sourire serait venu m’accueillir avec ces paroles : “Sale Gosse !!!” Dis que c’est vrai, hein petit ?

Enfin, j’espère qu’après ce sermon, ces vilains mécanos se sont réconciliés (Pierre ne fait pas partie du nombre, comme de bien entendu) et que vous avez fait une partie hier, comme il en était question.

Moi hier, je suis sortie avec Germaine. Cette pauvre fille, voilà plus d’un mois que je l’avais un peu délaissée. A tout hasard, nous avons été à Antoine voir si le billet était encore bon. Comme de bien entendu, il n’y avait plus de places. C’est une mode dans ce théâtre !!! Cela m’a tout de même servi à quelque chose, car ayant dit au contrôleur que je ne pouvais venir en soirée, il m’a daté mon billet pour la matinée de Jeudi. Ça fait que j’ai écrit ça à Marie-Louise pour que nous y allions ensemble, à moins que la mode ne soit pas changée et qu’il n’y ait toujours pas de places.

Ça fait qu’hier avec Germaine, ne sachant que faire, nous avons été au Cinéma, celui où nous avons été ensemble l’autre fois. Ce qui m’a un peu donné le cafard. Nous avons attrapé un torticolis tellement nous étions mal placées, juste au premier rang.

Décidément, ils en tiennent pour les films italiens dans ce truc-là. Nous avons eu un de ces drames aussi ténébreux que le premier vu ensemble.

Tu ne feras pas attention à mon nouveau genre de papier à lettre !!! C’est le dernier cri ! Ayant pas mal d’enveloppes de reste, j’ai acheté seulement du papier pour les utiliser. C’est plutôt sans gêne, dis petit Loul ?

Sur ce, je te quitte.

En espérant que tu te portes toujours bien, je t’envoie mon Aimé une grosse branche de cerises de ta gosse qui t’adore,

Mino