Le 31 Janvier 1918
Mon petit Loul chéri,
Que de péripéties depuis hier !!! Comme tu as du l’apprendre par les journaux, nous avons eu la visite des Gothas cette nuit. Cette fois-ci, ce n’était pas une alerte pour rire !!! D’ailleurs sur les journaux on ne donne aucun détail. A 11h½, réveil par les sirènes et quelques minutes après, la première bombe, suivie d’une autre et d’une troisième et cela tout près de la maison et ainsi de suite jusqu’à 2h. Je t’assure que ça a bardé cinq, comme tu dis.
Il y a surtout un moment où certaine bombe est tombée si près d’ici, que tout s’est mis à vibrer, les carreaux furent violemment secoués. Je croyais qu’ils allaient éclater. J’étais assise devant le feu, je n’ai pas bougé durant toute l’alerte.
A 2h, les pompiers sont repassés et c’est avec grand plaisir que j’ai regagné mon lit, j’avais une envie de dormir pépère.
Ce matin, j’ai appris que notre quartier avait été bien éprouvé. Nous avons été entourés par les bombes.
Une à l’hôpital St Antoine, une autre dans le faubourg, près de la rue de Reuilly, Place de la Nation, Boulevard Beaumarchais, rue du Chemin Vert. D’autres dans le quartier des Halles. Une sur le Crédit Lyonnais, Boulevard des Italiens et bien d’autres encore que je ne connais pas.
J’ai été ce matin voir les dégâts rue de Reuilly. Je n’ai pas vu grand chose, car la rue est barrée par une haie de sergents de Ville.
J’ai téléphoné chez toi pour avoir des nouvelles. Il n’y a rien eu de ce côté, heureusement.
A midi, pas de journaux. Ça fait qu’on ne sait pas encore le nombre de victimes.
A part ça, ça va assez bien. Ce matin, j’ai été me débarrasser de mon peu odorant remède avec un certain plaisir. Pouha !!! Cela ne vaut pas ma Nuit d’Orient ! J’en ai eu mal au coeur toute la journée d’hier. Enfin, maintenant ça y est, et j’espère que mon Loul a complètement pardonné à sa sale gosse. Dis-petit ???
Sur ce, je te quitte pour aller bien vite au travail.
En espérant que tu es toujours en bonne santé et avoir une mignonne lettre ce soir, je t’envoie mon petit Loul Aimé les plus douces cerises de ta gosse qui t’aime à la folie,
Mino
