J’y re-retourne

Le 21 Décembre 1917

Mon petit chéri,

Je n’ai rien reçu de toi hier, ce matin non plus, j’espère bien avoir une mignonne lettre ce soir, sans quoi je vais recommencer à me faire du mauvais sang.

N’ayant pas de nouvelles, tout va mal. Ce matin, je retourne aux Galeries. Le tissu n’était pas encore arrivé. Ça fait que j’y re-retourne tantôt. Ce qui m’ennuie beaucoup puisque la couturière a besoin de moi. C’est bien ma veine, pour une fois que je veux quelque chose, je ne trouve rien à mon goût. Ça fait qu’il faut que je me dépêche, afin d’être de retour au plus tard à 2h½.

Hier, comme je le pensais, j’étais en retard à mon rendez-vous avec Marie-Louise. Je suis arrivée à 2h20. Les billets étaient encore valables. Ça fait que nous avons vu “L’Homme à la Clef.” C’est pas mal du tout comme on le dit. Ça vaut même la peine d’être vu. L’action se passe presque tout le temps dans la salle. Aussi, on est complètement ahuri. Les acteurs sont mélangés aux spectateurs. Nous avions près de nous : une dompteuse de puces, une algérienne, un clown, une écuyère, un piqueur. Tout cela criant et gesticulant. Nous étions complètement sourdes. Un bonhomme derrière nous avait une frousse, ça valait deux sous. Il demandait toujours de la lumière.

J’ai revu Marie-Louise ce matin en allant aux Galeries. Elle pense toujours qu’Espierre va revenir. Aussi, elle est comme une petite folle.

Sur ce, petit chéri, je te quitte pour me redépêcher.

En espérant avoir une gentille lettre ce soir et que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon petit Loul Aimé les plus douces cerisettes de ta

Mino

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