Saler le beurre

Le 14 Novembre 1917

Petit Loul chéri,

J’ai reçu hier soir ta mignonne lettre du 11 m’annonçant ton départ pour Verrines. J’espère que tu ne t’y ennuies pas de trop et que tu n’es pas par trop mal installé. Si tu es dans des baraquements, tu ne dois pas avoir très chaud. Je souhaite que ton séjour y soit le plus court possible, enfin, que tu reviennes bien vite retrouver Pierre et ta belle chambre.

De plus, j’espère qu’à ton retour au Plessis, tu pourras venir plus facilement à Paris. Je le voudrais bien, car je m’ennuie beaucoup.

Hier soir, pour comble de bonheur, j’ai pris une de ces sauces par mon père quelque chose de pépère. Ça marchait trop bien depuis mon retour, ça ne pouvait pas durer ainsi. Toujours pour des raisons idiotes. Cette fois-ci, c’est parce que j’ai dit que je ne pouvais pas rapporter un sac de 10 kilos de charbon à la maison. Alors, je suis une bonne à rien, une momie. Moi, ça m’est égal, mais je n’ai pas envie d’attraper du mal pour ça. Alors pour un petit rien comme ça, j’ai pris toute la soirée. Quel caractère ! A midi, il vient de rentrer tout en boitant. Il s’est cogné la hanche à son bureau, aussi cela n’est pas fait pour le mettre de bonne humeur. Enfin, j’en prends mon parti puis qu’il n’y a rien à faire.

beurre-salé

Ce matin, j’ai été chez toi chercher mon beurre. Tantôt, je vais le saler et après, j’irai auprès de Madame Delcroix la distraire un peu.

Hier, j’ai été voir Madame Schwab. Elle ne va pas plus mal. Elle s’ennuie toujours beaucoup et ne fait que pleurer. Elle sait maintenant qu’elle a une phlébite, aussi elle se désole encore plus. Elle l’a su par l’infirmière majore, qui a gaffé sans le vouloir.

A part ça, rien à te dire.

En espérant que tu es toujours bien portant, je t’envoie mon tout petiot chéri, les plus doux baisers de ta gosse qui pense sans cesse à toi,

Mino

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