Merci mille et mille fois !

Le 24 Octobre 1917

Petit Loul Aimé,

A ma grande joie, j’ai reçu hier soir ta mignonne lettre du 22. Quelle mauvaise journée j’ai passé ! Elle m’a paru bien longue. J’attendais le courrier du soir avec quelle impatience, afin d’avoir de tes nouvelles. Je regardais constamment ma montre et je me disais : ” Plus que 6h, plus que 5h” et ainsi de suite jusqu’à 7 heures. Heureusement, à cette heure-là, j’ai eu ta mignonne lettre du 22 qui a été, comme tu le penses, on ne peut mieux accueillie et qui m’a complètement rassurée sur ton sort. Comme je le pensais, c’est encore la poste qui est la cause de cela. Ce matin, j’ai reçu une autre lettre de toi du 21. Elle aurait dû arriver avant celle du 22. De cette façon, je ne serais pas restée 1 jour sans nouvelle et je n’aurais pas été si inquiète. Enfin, je te sais en bonne santé maintenant, c’est le principal.

Petit Loul chéri, tu es trop gentil ! Je ne sais si je dois accepter ce que tu me proposes ou plutôt ce que tu m’offres si gentiment. Tu me dis que je te ferais un grand plaisir en acceptant. Je ne peux donc pas te faire déplaisir, mais je ne voudrais pas te priver. Tu peux avoir besoin de cet argent et si jamais il venait à te manquer, je m’en voudrais beaucoup.

Tu commences par te priver du seul passe-temps qui t’est agréable loin de moi : jouer aux cartes. N’y jouant plus, le temps te semblera doublement long et tu t’ennuieras beaucoup plus. De plus, on peut t’envoyer en mission, et tu peux te trouver gêné à cause de moi. C’est si gentiment offert et de si bon coeur que je ne peux refuser, mais je voudrais être certaine que cela ne te privera en rien. Sinon, je préfèrerais te renvoyer l’argent et recevoir la petite sauce que je redoutais tant, et dont tu m’as sauvé.

Je n’ai pas encore reçu cet argent, mais je pense que par lettre recommandée, ça demande plus de temps. Je l’aurai sans doute demain. Mon père sera certainement là, lorsque le facteur viendra. Je lui dirai que tu m’envoies de l’argent pour faire des achats.

Petit Loul, il ne me reste plus qu’à te remercier mille et mille fois de la nouvelle preuve d’amour que tu me donnes en évitant de me faire disputer. Je t’en suis très reconnaissante et crois, petit chéri, que je m’en souviendrai toujours. Ta gosse chérie t’en remercie par une foule de baisers et de caresses, le seul bien qu’elle possède à profusion pour son petit Loul.

Je voulais aller voir le toubib comme tu dis tantôt, mais il est trop tard, il y aurait trop de monde. J’irai maintenant Vendredi. Tu vois, je n’oublie pas. Aujourd’hui, ça va. Je suis moins fatiguée qu’en arrivant au Mesle.

Ce matin, j’ai été voir ma bonne marchande de dentelles. Elle était très heureuse de me revoir avec une si bonne mine. Elle m’a dit que je lui avais bien fait peur, qu’elle croyait bien que je m’en allais. Merci, je ne tiens mais pas du tout à partir si vite que ça. Et mon Loul alors !!! C’est étonnant comme cette femme m’aime. Je crois qu’en m’en aurait embrassé tellement elle était contente de me voir avec des couleurs. Elle m’a bien recommandé de venir la voir souvent. Elle m’a demandé de tes nouvelles : “Et comment va-t-il ce cher fiancé ?” Chaque fois que j’y vais, ce sont ses premières paroles.

BHV

Après ma lettre, je dois aller au Bazar de l’Hôtel de Ville faire des achats. Ça ne me dit rien, vu le temps. Il tombe de la rosée. Te rappelles-tu ça ? Monsieur Bois nous a bien fait rire.

En te remerciant encore de tout mon coeur, et en espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine tout petiot Aimé en t’envoyant des millions de doux baisers de celle qui t’aime chaque jour d’avantage,

Mino

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