Je suis bien punie !

Le 3 Septembre 1917

Mon petit Loul adoré,

Je suis complètement désolée. Je m’ennuie à mourir !!! Me revoilà encore toute en larmes comme hier. Je viens de recevoir une lettre de mon père me disant qu’il avait téléphoné chez toi et que Madame Sevette lui a répondu que tu étais là pour 48h Dimanche et Lundi et moi je suis là qui me morfond. J’aurais bien mieux fait de ne jamais venir. Ce que je prévoyais est arrivé et je suis bien malheureuse.

Si j’avais su que tu restais chez toi encore aujourd’hui, je t’aurais adressé ma lettre d’hier à la cité Nys, tandis que je t’écris en ce moment à une adresse qui n’est plus bonne. Je suis bien punie !

Et pas un petit mot de toi dans la boite aux lettres ce matin, j’ai cherché en vain, mais rien. J’avais une lettre de mon père, une de Germaine et une de la couturière, mais rien entre, pas ce que j’aurais le mieux aimé trouver. C’est un retard sans doute, mais ça n’empêche pas que je vais passer une bien mauvaise journée à attendre impatiemment le courrier de ce soir.

Tu me dis que tu n’aurais pas voulu que je fasse deux fois un aussi long voyage de peur de me fatiguer. Pauvre Lou, ne crois-tu pas que ma peine en ce moment ne me fais pas plus mal qu’un long voyage avec l’espoir de te voir au bout ?

Ici, où je me plaisais tant depuis que tu étais venu, je m’y dégoute maintenant à n’y plus rester. Tout le monde est gai. On chante, on rit. Monsieur Fleuriel étant arrivé, il ne peut en être autrement. Et moi, une étrangère, je suis forcée de faire bonne mine et d’être aimable, quand dans le fond, j’ai le coeur bien gros. Je me cache pour pleurer, je n’ai pas le droit de troubler leur bonheur. Je suis venue m’enfermer dans ma chambre et là je peux pleurer à mon aise.

Tantôt, j’irai tout de suite après le déjeuner voir Yvonne. Elle me comprend mieux. Avec elle, je peux parler de mon chagrin. Hier, tantôt, elle est juste venue après t’avoir écrit, aussi elle m’a bien consolé et ça allait mieux. J’avais un petit peu le sourire pour recevoir Monsieur Fleuriel, aussi Madame Fleuriel était très contente.

Surtout, je t’en supplie mon petit chéri, si tu penses revenir même que cela ne soit pas sur, dis-le moi, je ne veux pas avoir à me reprocher ce que je me reproche aujourd’hui.

J’espère que tu n’as pas passé de trop mauvaises journées loin de ta vilaine Mino et que tu ne t’es pas trop ennuyé.

Reçois de ta pauvre gosse de bien tristes baisers,

Mino

 

 

 

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