“Tu n’es pas honteuse, cochonne, etc…”

Le 27 Août 1917

Mon petit Loul Aimé,

J’espère que tu as fait un bon voyage pas trop triste et que tu es bien rentré à ton escadrille.

eglise condé

Après t’avoir quitté, j’ai fait un tour dans Condé. J’ai été visiter l’Eglise qui est très intéressante et je suis revenue à la gare, il n’était pas encore 1 heure, aussi j’ai été m’installer à la buvette devant un café et j’ai lu des journaux de mode que j’avais trouvé à la marchande de la gare. Je suis restée ainsi jusqu’à 3 heures, il commençait à pleuvoir, aussi je me suis dirigée vers le train qui attendait l’heure du départ. Aussitôt installée, il s’est mis à pleuvoir à  torrent, un vrai temps de chien, aussi j’ai pensé à toi qui a du avoir de l’eau pour ton arrivée à Paris.

A la gare de Condé, je me suis faite bien arranger. Le wagon suivant le tien était plein de soldats qui avaient assisté à nos adieux, aussi en passant devant moi, ils m’ont fait de jolis compliments tels que : “Tu n’es pas honteuse, cochonne, etc…” C’est joli. Aussi je riais malgré que je n’en avais guère envie. Ça a redoublé au moment que tu m’as envoyé un si gracieux baiser, aussi c’est pour cela que je n’ai pas répondu. Lorsque je suis sortie, les soldats qui restaient me criaient : “Eh ! La petite dame, c’est fini vos adieux !!!”

poilus dans train ivrognes

Mes rêves se réalisaient un peu, puisque nous avions fait scandale dans cette gare. Je regrette de ne pas être partie avec toi et descendue à Bretoncelles. Il y avait le train qui arrive à 1h15 à Condé qui m’aurait ramené. Les deux trains se croisent à La Loupe. Enfin, c’est trop tard…

Le temps est toujours aussi vilain qu’hier depuis ce matin, la pluie n’a pas cessé, aussi ce n’est pas très gai.

J’espère que mon père n’a rien dit de ton voyage ici et que tu es toujours en bonne santé depuis hier.

Ta sale gosse t’envoie de bien doux baisers bien qu’elle n’ait guère envie de rire aujourd’hui,

Mino

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