Quel succès !

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Le 22 Août 1917

Mon petit Loulou Aimé,

Me voici installée à St Julien, chez l’amie d’Yvonne. C’est une personne très gentille qui est seule avec sa bonne, une petit jeune fille de 16 ans. Cette dame n’est pas toute jeune, elle m’a dit ce matin qu’elle avait 60 ans, malgré tout elle ne les parait pas car elle est très gaie. Elle est très gentille pour moi.

Sa maison n’est pas coquette extérieurement, mais intérieurement elle est très gentille et plait au premier abord. C’est très gentiment meublé. J’ai une grande chambre qui me plait beaucoup. Tout est de plein pied. Lorsque l’on rentre, il y a l’entrée. A gauche, c’est une grande cuisine, à droite c’est la salle à manger, ensuite la chambre de la dame et la mienne qui se trouve tout à fait dans le fond. Ce sont de très jolies pièces, loin de ressembler à nos petits coins de Paris.

De ma chambre, j’ai la vue sur un très grand jardin. C’est magnifique. Il me plait beaucoup et pourtant je n’ai pas encore eu bien le temps de le visiter. La maison est enfouie dans la verdure. Ma chambre est à l’ombre d’un grand tilleul. Ce n’est que des arbres fruitiers : pommiers, poiriers, noyers et derrière la maison, il y a un grand pré de blé qui vient d’être coupé. Il y a aussi des poules, des lapins et des canards.

Ce matin, c’est ces vilains animaux qui m’ont réveillé de leur jolie chanson !!! Je dormais pourtant bien. J’étais très fatiguée hier au soir, le voyage m’avait un peu secoué. C’est tellement long pour venir si près ! Il y avait beaucoup de monde et en plus de ça, une chaleur torride… Enfin, ça s’est très bien passé.

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Ce qui m’a ennuyé, c’est qu’arrivée au Mêle, personne à la gare n’était venu me chercher. Je cherchais Yvonne partout, pas d’Yvonne. Avec ça, les gens me regardaient comme une bête curieuse. Tu penses, une Parisienne ici, c’est une révolution. Heureusement que ça ne me fait rien du tout.

Enfin, au bout d’un quart d’heure, j’ai aperçu une voiture qui venait de mon côté et j’ai reconnu à mon idée Yvonne qui la conduisait. En effet, c’était elle. Tu aurais ri de la voir conduire. Elle avait lancé son cheval au triple-galop. C’était tordant de voir cette petite bonne femme dans cette grande voiture. Enfin, on s’est très bien reconnu sans jamais s’être vues. Nous avons pris ma malle et ma bicyclette et nous sommes parties. Nous avons bavardé ensemble comme de vieilles connaissances tout le long du trajet. Elle est vraiment charmante, tout à fait gentille comme je me l’imaginais.

Où je suis, c’est tout près du Mesle. On pourrait dire la suite du Mesle. Yvonne, c’est plus loin, je ne sais pas où, je n’y ai pas encore été. Elle m’a installé chez son amie et est partie. Je n’ai pas été dépaysée du tout. J’ai dîné tout de suite en arrivant et ensuite j’ai bavardé avec la dame. Son mari est voyageur en pharmacie, aussi il n’est pas souvent là. Elle est très gentille cette dame et me trouve “un amour”. Elle exagère un peu !!! Elle est très contente de m’avoir, ça la distrait, je lui parle de Paris et cela lui fait grand plaisir. Ce matin, elle m’a emmené au marché. Quel succès !!! Il n’y avait que d’yeux pour moi. Mon pauvre Loul, c’est à croire que je ne suis pas faite comme les autres.

J’ai eu aussi le plaisir de recevoir ta mignonne lettre du 19 ce matin. Cela met un jour de plus pour venir ici. Ce n’est pas de trop. J’espère avoir le plaisir de te raconter mes impressions de vive-voix bientôt et que cette lettre ne t’apprendra rien de nouveau. J’irai ce soir au train de Paris dans l’idée de te trouver, ou j’espère demain entendre un joyeux ténor.

Mon pauvre chéri n’avait envie de bonnes petites cerises ???!!! Pauvre Coco n’était bien malheureux !!! Moi aussi !!!… n’avait bien envie de délicieuses cerises !!! et n’avait rien pour calmer mon envie. Je trouve qu’il y a bien longtemps que la saison est passée !!! Mais j’espère qu’elle va revenir pour 48 heures.

Cette nuit, les moustiques m’ont fait des suçons partout, en voilà de vilains animaux. Ils n’ont pas demandé ma permission. Ce sont des sans-gênes.

Yvonne doit venir me chercher pour aller visiter sa ferme, aussi je te quitte car j’ai à écrire à mon père avant son arrivée.

En espérant avoir le plaisir de te voir bientôt, et en espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon adoré les plus douces cerises de celle qui ne pense qu’à toi,

Mino

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