Le 28 Juillet 1917

Petit Loulou aimé,

Comme je l’espérais hier, à mon retour du bois avec Paulette et sa maman, j’ai trouvé ta mignonne lettre du 25 qui m’attendait.

Comme tu dis, je n’ai pas de chance pour mes vacances. Enfin, je me console en pensant que tu aurais pu venir pendant mon absence et que je n’aurais pas été là. J’espère bien que cela va réussir pour passer sur Nieuport et que tu vas venir bientôt. Je m’ennuie tant ici !!!!!! Pour bien faire, il faudrait que tu viennes tous les 15 jours. Comme ça, je saurais un peu mieux patienter, mais là, ça fait vingt jours ; et c’est bien long 20 jours sans mon Loul chéri.

Comme je souhaiterais qu’il y ait 5 ou 6 camarades qui ne désirent pas aller en permission en ce moment. Je leur en serais très reconnaissante….!!!

Grande nouvelle ! Grand émoi ! Cette nuit, réveil à 11h½ en fanfare. Alerte d’avions ennemis sur Paris. Quel potin ils ont fait les pompiers. Jamais ils n’ont fait un boucan pareil ! On aurait dit que tout Paris était en feu. Ici, c’est moi qui ai entendu la première. Comme je n’entendais pas mon père bouger, je l’ai appelé pour qu’il se lève. Il me répond d’un air aimable : “Qu’est-ce que t’as ? Qu’est ce qui te prend ?” Là-dessus, je lui dit : “Ecoute un peu et tu verras.”  Juste quand une voiture de pompe passait. Ça fait que je me suis habillée et je suis venue me mettre au balcon. Quel beau coup d’oeil ! C’était superbe, on apercevait les avions du Bourget qui se croisaient et se recroisaient, éclairés de temps en temps par les projecteurs qui fouillaient le ciel. Ce qu’il y avait de rassurant, c’est qu’ils étaient tous au dessus de nous. La nuit était très claire et très étoilée, on pouvait très bien suivre leur manoeuvre. De notre côté, il y en avait plus de vingt. Mais on n’entendait toujours pas de détonation. Je suis restée comme ça jusqu’à 1hmoins¼ et j’ai été me remettre sur mon lot, j’étais vannée. Enfin, à 1h15, les pompiers sont repassés, l’alerte était terminée. Cela avait duré 1h45, c’était suffisant.

Sur le journal, ce matin, on met presque rien. Il parait qu’il n’y avait qu’un avion ennemi  et on n’ajoute pas de détail. Sur Paris-Midi, la moitié de l’article est censuré.

Voilà toute la nouveauté.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine mon mot en t’envoyant mon adoré les plus doux baisers de ta

Mino