On aurait fait des trucs épatants

Le 25 Juillet 1917

Mon petit Coco Aimé,

Je commençais à me désoler, hier je n’ai rien reçu de toi de toute la journée. Heureusement, ce matin, j’ai eu ta mignonne lettre du 23. Je me suis aperçue que ma lettre d’hier me manquait. Avant-hier, j’ai reçu celle du 21, aujourd’hui celle du 23. Il me manque le 22. Comme tu ne m’as pas prévenu que tu étais resté ce jour-là sans m’écrire, je suppose qu’elle est égarée. Ce qui ne me fait pas sourire du tout. Ou bien, elle est peut-être en retard.

Il est certain que ce qui t’est arrivé avec le boche est loin de me tranquilliser. Mais je trouve que tu as raison de me raconter tout cela, j’y ai droit. Ce que tu ne me racontes pas, gentille violette, c’est que lorsqu’on te fait des compliments, tu les gardes pour toi. L’autre jour, Madame Sevette m’a dit que l’on t’avait félicité pour ton atterrissage lors de la panne de G.3. A moi, modeste chéri, on me dit : “C’est une veine que l’appareil n’ait rien eu” et c’est tout. Tu es adorable. Le modèle des hommes. Aussi lorsque je pense à toi, je suis très fière et je me dis que je ne te vaux pas, qu’à côté de toi, je suis bien insignifiante, moi qui n’ai aucun mérite.

Un que je retiens comme ballot, c’est ton colis. Avec un type comme ça, on a un bon défenseur. Si au moins tu en avais eu un de potable, il aurait pu descendre le boche, ce que tu aurais bien mérité après une heure de combat. Avant de les prendre comme observateurs, on devrait leur apprendre le maniement de la mitrailleuse, mais ces messieurs doivent tout savoir et n’ont pas besoin de leçons sans doute. Aussi, comme résultat, voilà ce qui arrive. Je comprends mon pauvre chéri que tu n’aies pas été trop satisfait.

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C’est malheureux que l’on engage pas les femmes dans l’aviation, j’aurais demandé à être colis : il me semble que je n’aurais pas été un colis trop embarrassant ? Aussi à nous deux, on aurait fait des trucs épatants. J’aurais appris à me servir d’une mitrailleuse et tu aurais vu comme je les aurais sonnés les boches ! Il est vrai que si tu passes sur Nieuport, qu’est-ce que je serais devenue ? As-tu une réponse à ce sujet ?

J’espère que tu es toujours en bonne santé, dans cet espoir, je te quitte mon petit Loul adoré en t’envoyant mille tendresses de ta grande gosse qui t’adore,

Mino

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