Je lui aurais arraché les yeux

Le 8 Juin 1917

Mon petit Coco chéri,

Hier soir, grande joie, j’ai reçu deux mignonnes lettres. Celles du 4 et 5. Je suis sûre que tu n’avais pas le lapin sur ton coucou. Avec, tu n’aurais certainement pas eu de panne. Est-ce que je me trompe ??? En plus de ça, je ne fais pas de compliments à ton “petit mécano“. Il aurait du examiner un peu mieux le taxi, non, je me trompe, l’autobus, si c’est comme ça qu’il regarde, c’est de sa faute si ton moteur t’a plaqué. Si tu avais eu seulement une simple égratignure, je lui aurais arraché les yeux ! Donc à l’avenir, qu’il tâche de faire attention. Il est averti.

mecanos de aviation baionette

Tu me vantes tellement ta chambre que je meure d’envie de la voir ! Malheureusement, je suis certaine que je ne la verrai jamais. Dommage, car je remplacerais de vrai la petite femme en pyjama. Je suis sûre qu’ainsi, tu la trouverais encore plus confortable ? tant qu’à savoir à qui la petite femme de la carte postale fait un pied de nez, je n’en sais rien. J’avais oublié ce détail. C’est surement pas moi qui ferais cela à mon Coco.

Je suis désolée ! Il ne va plus m’en rester de mon Lou si tous les moustiques me le mangent. En voilà des bêtes sans gêne. C’est à moi, on a pas le droit d’y toucher. Je constate une chose, que ces sales bêtes-là connaissent joliment bien ce qui est bon. Mais je préfèrerais être à leur place. Si j’avais pensé à ça, j’aurai pris un gros acompte Lundi matin. J’espère qu’il m’en restera encore un peu ???????

Hier, comme je te le disais, j’ai vu Marie-Louise. Cette sale gosse-là m’a fait attendre une demie-heure. Je commençais à en voir assez. Moi qui n’aime pas attendre. Elle s’est excusée, soi-disant que depuis midi ½, elle allait taper tous les gens chics pour son Gala. Elle était avec une de ses camarades. Elle n’avait pas encore fait un sous, aussi elle était désolée. Je lui ai offert la grosse somme de 5 centimes, comme commencement de recette ! Alors elle m’a emmené continuer ses petites visites. Quelle corvée !!! Grimper les étages et être plus ou moins bien reçues par les domestiques de Monsieur ou de Madame.

Un Monsieur boulevard Haussmann nous a très bien reçues, il nous a fait rentrer dans son salon meublé avec luxe, je te dis que ça. Nous étions enfoncées dans des coussins partout. Bien entendu, je passais pour une artiste de l’Opéra qui venait présenter des places. Aussi je roulai lorsque le bonhomme disait : “Voyez mes chères artistes, je ne puis rien pour vous. Je suis navrée de refuser à de si charmants visages !” Vois d’ici l’artiste !!!

Tantôt je vais chez Marie-Louise. A part ça, rien de nouveau.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine mon Loul aimé en t’envoyant les plus tendres baisers de ta Mino

Creative Commons License